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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ne sont en sûreté auprès d’eux. Bien sûr, je le répète, ce sont des bruits, peut-être sans fondement… pourtant, tout à l’heure, Judith nous a suppliés, Guillevic et moi, de ne pas faire connaître aux deux frères la mort de leur père.
    — Mais… comment est-ce possible ?
    — Ce n’est pas possible. Il faut les prévenir. Hélas ! ils sont désormais la seule famille de leur sœur. Tudal, l’aîné, va être son tuteur naturel et rien ni personne n’y peuvent quoi que ce soit parce que c’est la loi. Seulement, Judith a peur d’eux. Voilà pourquoi je dis qu’il n’y a pour elle d’autre solution que le couvent.
    — Peur d’eux…
    En se rappelant cette angoisse, proche de la terreur qui habitait les yeux de la jeune fille, tout à l’heure, Gilles comprit ce qu’elle signifiait. Des hommes capables de jeter leur propre père à la rue pouvaient faire, de la vie de leur sœur, un véritable enfer.
    — Mais nous… mais vous ? Est-ce que vous ne pouvez rien faire ?
    L’Abbé alla prendre un tison dans la cheminée, alluma sa pipe et tira deux ou trois bouffées.
    — Non ! Personne ne peut rien… qu’elle-même. Si Judith désire prendre le voile, je ne crois pas qu’ils oseront s’y opposer. D’autant qu’à l’origine ils ne souhaitaient que cela afin d’empêcher la pauvre enfant de réclamer sa part d’héritage. Il n’y a aucune raison pour qu’ils eussent changé d’avis. Quant à Madame de La Bourdonnaye, elle est décidée à la garder autant qu’elle le voudra.
    — Et… elle ?
    À travers la fumée de sa pipe, l’Abbé plongea son regard dans celui de son filleul avec une sorte d’insistance. Puis, négligemment, comme s’il s’agissait d’une chose sans grande importance :
    — Je l’ai laissée résignée. Elle sait qu’il n’y a pas d’alternative pour une fille sans dot. Après les funérailles, elle retournera à Notre-Dame-de-la-Joie… pour toujours très certainement. Maintenant, va dormir, ajouta-t-il en se levant avec un soupir. Tu en as grand besoin. Moi aussi. Et demain nous y verrons plus clair tous les deux. Mais je pense qu’il te faudra aller à Kervignac.
    Gilles eut un haut-le-corps et se sentit pâlir.
    — Je vous en prie, ne me demandez pas cela ! Ma mère ne cédera jamais. Et qui sait à quelles extrémités pourrait la porter une opposition formelle prononcée en face d’elle.
    — Que crains-tu ? Qu’elle te fasse arrêter ?
    Un instant Gilles garda le silence. Puis :
    — N…on. Pas vraiment. Je crois, Monsieur, que c’est de moi que j’ai peur. Je crains les paroles qui pourraient être prononcées et que, peut-être, je contrôlerais mal. Je crains surtout… d’avoir la preuve formelle qu’elle ne m’a jamais aimé. Oh ! ce n’est pas que j’aie conservé beaucoup d’illusions à ce sujet mais elle ne me l’a jamais dit et j’ai peur que, dans sa colère, elle ne laisse libre cours à ses véritables sentiments. J’aime mieux avoir tort, sur toute la ligne, et pouvoir lui conserver un peu de tendresse.
    Il y avait des larmes dans ses yeux mais l’Abbé refusa de les voir bien que ce fussent les toutes premières qu’il eût jamais aperçues, chez cet enfant trop secret.
    — Pourtant tu iras. Sinon, c’est ta propre estime que tu perdras. Tu n’as pas le droit de fuir comme un voleur. Va la voir et puisque tu prétends devenir maintenant un homme, conduis-toi en homme. Ose l’affronter en face… quelles qu’en puissent être les conséquences. Et qui sait si sa colère ne t’apprendra pas ce que tu brûles de découvrir… le nom de ton père.
    L’abbé Vincent connaissait bien son filleul et, en effet, les yeux du jeune homme se mirent à briller bien que les larmes n’y fussent plus. Il releva la tête, plongea son regard pâle dans celui du vieux prêtre :
    — Vous l’exigez ?
    — Oui. C’est le prix que je mets à mon aide. Va dormir maintenant. Demain, à l’aube, tu partiras…
    Face à la porte qui se refermait sur le garçon, il traça le signe de la croix puis s’en alla secouer Katell qui s’était endormie dans la cheminée, son tricot sur les genoux…
    Gilles dormit comme une bûche mais, habitué depuis longtemps à s’éveiller au chant du coq, l’aube le trouva courant à travers la lande en direction de Kervignac. Une lieue en terrain plat ne représentait pas grand-chose pour ses longues jambes et il n’avait qu’à peine besoin de reprendre son

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