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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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avait épousé sir William Johnson qui, en Amérique du Nord, régnait pratiquement sur les Six Nations iroquoises du haut de sa superbe demeure du mont Johnson, avait déterré la hache de guerre et repris les sentiers du combat loin de ses campements de Canajoharie, dans la vallée de l’Hudson. On disait aussi que sir Henri Clinton qui défendait New York contre Washington concentrait des forces sur Long Island, la grande île plate derrière laquelle s’abritait la ville assiégée, afin de préparer une attaque contre Rhode Island.
    En rassemblant tous ces on-dit, Gilles se fit une idée à peu près exacte de ce que pouvait être le canoë suspect et, nageant entre deux eaux, il gagna rapidement l’endroit où il l’avait vu disparaître, se glissa dans les hautes herbes sans faire le moindre bruit jusqu’à ce qu’il aperçût la source.
    Ce qu’il découvrit le surprit quelque peu : le propriétaire du canoë était bien un Indien comme il l’avait supposé, mais ce n’était qu’un gamin âgé d’une douzaine d’années.
    Son corps couleur de cuivre était nu à l’exception d’une bande de daim brodée de perles colorées qui s’attachait à sa taille par un lien de cuir et passait entre les jambes pour retomber, devant et derrière, en deux pans évoquant un étroit tablier. Mais sa poitrine et sa figure étaient peintes d’étranges dessins blancs et noirs qui lui donnaient un air féroce. Quant à ses cheveux noirs comme du jais, ils étaient rasés de chaque côté de la tête pour ne plus former, au sommet du crâne, qu’une longue queue nouée d’un lien rouge et traversée d’une courte plume blanche.
    Mais Gilles ne s’attarda guère à étudier l’aspect pittoresque de son visiteur car celui-ci était tout juste occupé à entasser son uniforme et ses armes dans la légère embarcation.
    D’une brusque détente de ses jarrets, le jeune homme bondit, arracha sa chemise des mains du petit voleur qui, surpris, lâcha prise. Mais c’était un garçon aux réflexes rapides car une seconde plus tard il avait arraché de sa ceinture un tomahawk emplumé et le brandissait dans son poing crispé avec un visage tellement déformé par la colère, sous ses peintures barbares, qu’il n’en gardait rien de l’enfance. Néanmoins, Gilles se mit à rire.
    — Tu es trop jeune pour manier les armes, mon garçon. Laisse donc tomber cette hache dont tu ne saurais pas te servir !
    Le démenti fut immédiat et fulgurant. Avec un cri aigu, le jeune Indien lança le tomahawk qui siffla comme un serpent… et seul l’instinct sauva Gilles en l’écartant juste ce qu’il fallait pour ne pas être atteint. Une fraction de seconde plus tard et l’arme le frappait en pleine poitrine.
    Il eut à peine le temps de réaliser. Déjà le jeune Indien suivait le chemin de son tomahawk et se ruait sur lui, brandissant un couteau qu’il devait porter caché sous son semblant de costume.
    Cette fois, Gilles sentit la moutarde lui monter au nez. Ce gosse multicolore commençait à l’agacer et il se voyait mal en train de se battre avec lui. Le seul traitement convenant à un gamin de cet âge, pourvu de tels instincts ne pouvait être selon lui qu’une vigoureuse fessée mais il lui apparut bientôt qu’il ne serait guère facile de la lui appliquer d’autant plus qu’il était lui-même nu comme un ver et sans la moindre arme. Déjà le jeune Indien se collait à lui.
    Contre sa peau, Gilles sentit une autre peau, lisse et glissante mais désagréablement parfumée à l’huile de poisson, un corps à la fois nerveux et insaisissable : l’impression de lutter avec une anguille. Mais malgré la souplesse de l’enfant et sa hargne, malgré le couteau, le combat n’était pas égal. Désarmé, le jeune sauvage se vit bientôt réduit à l’impuissance, chose qu’il supporta fort mal. Entre les mains de Gilles qui le plaquait au sol, il rugissait littéralement, crachant le feu et la fureur et se tordant comme un reptile sous la poigne de son vainqueur.
    Pour le faire tenir tranquille, celui-ci dut employer le moyen qui lui avait si bien réussi pour immobiliser Judith lors de son pseudo-sauvetage dans le Blavet. Frappé d’un coup de poing au menton, le jeune Indien se détendit, ferma les yeux et partit docilement pour le pays des rêves.
    Gilles alors commença par se rhabiller tout en surveillant le garçon du coin de l’œil puis il alla explorer le canoë qui contenait à vrai dire

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