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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ce
malavisé galapian, lequel nous remit La Capelle avec des pleurs, et sans tant
languir fut expédié par mes soins en Angleterre pour échapper à la Bastille, ou
pis même à la hache dont l’ire de Louis le menaçait.
    En Angleterre je le confiai aux bons soins de My Lady
Markby, mon intime et immutable amie, laquelle aimant fort les jouvenceaux,
déniaisa en un tournemain ce joli petit Français. Et c’est à La Capelle de
nouveau que je fus reçu avec Gaston après une épuisante chevauchée de Bruxelles
à la frontière française. Le lecteur se souvient sans doute que j’y souffris
d’un sévère catarrhe, lequel je guéris grâce au quina quina des
jésuites, au grand dol de mon boursicot. En parlant du jeune de Vardes, je
demande pardon aux dévots d’employer le mot « déniaiser » qui leur
déplaît par son caractère positif, alors que le même acte perpétré par des
personnes non mariées est considéré par eux comme un gravissime péché. Pour
parler à la franche marguerite, je ne vois pas les choses ainsi. Il me semble
que Lady Markby, étant veuve, n’a fait tort à personne, et le jeune de Vardes,
pas davantage. Et respectueusement je pose à nos dévots cette question
naïve : « N’est-ce donc rien que le bonheur d’un couple ? »
    Connaissant les lieux, je puis donc affirmer que La Capelle
était parfaitement défendable, étant solidement bâtie et crénelée, défendue par
une forte garnison et certainement pas à court de vivres. Je fus donc fort
indigné d’apprendre que le baron du Becq, qui commandait la place, avait ouvert
lâchement ses portes aux Espagnols après seulement sept jours de siège.
    Mais ce qui me déconcerta le plus encore fut de constater
que ces messieurs du Parlement, à ouïr la capitulation de ce couard,
ressentirent l’événement d’une façon fort différente de la mienne. Certes, nul
ne fit de prime une déclaration ouverte de ses sentiments, mais à comprendre
des échanges joyeux de regards, des chuchotements véhéments, des demi-mots
accompagnés de sourires, je commençai à comprendre comment ils prenaient
l’affaire.
    Comme ce chuchotis était très faible et que je voulais en
savoir plus, je m’avisai d’un subterfuge. Je me laissai aller sur ma chaire, et
la nuque bien calée sur le dossier, je clouis peu à peu les yeux et fis le
semblant de m’assoupir. La ruse réussit. Les voix assez étouffées jusque-là
reprirent de l’ampleur. Je ne tardai pas à ouïr, prononcés distinctement, des
propos qui me laissèrent pantois. « Après cette nouvelle, dit l’un des
parlementaires, il faut s’attendre à en recevoir de semblables tous les
jours. » Un autre dit : « Si l’Espagnol va si bon train, il est
probable qu’en un mois tout sera fini, le cardinal devra se réfugier au Havre,
et Louis laisser sa place à Gaston. » Un autre dit alors avec un air de
dérision : «  De grâce, Messieurs, ne vous pressez pas trop
pour racler les quinze millions d’or demandés par le roi. Il n’en aura bientôt
plus l’usage. »
    J’attendis que ces propos cessassent et que le Parlement
revînt à l’ordre du jour pour me réveiller de mon sommeil simulé et prendre
congé de ces messieurs. Cependant, quand je saillis hors, Nicolas, me voyant
dans mes fureurs, me demanda si quelqu’un de ces bedondainants bavards, assis
sur leurs grosses fesses, m’avait noise cherché. En ce cas, ajouta-t-il en
tapant sur la garde de son épée, nous irions lui découdre un peu de son lard
pour le rendre plus courtois.
    — En selle, Nicolas, dis-je, et ravale ces propos
belliqueux. Nous allons de ce trot au Louvre.
    — Au Louvre ! dit Nicolas, qui, le jour baissant
déjà, pensait passer le reste de l’après-midi au logis avec son Henriette,
étant l’homme le plus caresseur de la Création.
    Au Louvre, je trouvai Bouthillier dans l’antichambre, et par
lui, qui avait accès à toute heure au cabinet de Richelieu, j’y fus introduit
dans l’instant et y trouvai le roi. Après les salutations protocolaires, je
contai ma râtelée de ce que j’avais ouï au Parlement.
    — Duc, dit Richelieu, vous confirmez avec d’utiles
précisions ce que je savais déjà. Ces parlementaires sont en toute bonne
conscience infidèles au roi, et déserteurs à leur patrie.
    — Et qui pis est, dit Louis, ils veulent être mes
tuteurs, comme la reine-mère voulait l’être et m’imposer une politique en
faveur de l’Espagne. Quant à

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