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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’artificieuse procrastination à laquelle ils
recourent pour ne point verser les pécunes que j’ai exigées d’eux, j’y mettrai
bientôt bon ordre, et non sans rudesse.
    À ce moment, Bouthillier entra dans le cabinet et,
fléchissant le genou devant le roi, lui remit un pli.
    — Sire, dit-il, ceci est, je le crains, une mauvaise
nouvelle.
    Louis ouvrit le pli, pâlit de rage, se leva, et se mit à
marcher de long en large, les dents serrées et les yeux étincelants.
    Personne ne pouvait s’adresser au roi en ses terribles
colères, pas même Richelieu. Il fallait attendre que Louis se calmât de soi et
retrouvât la parole.
    — Oyez, Messieurs ! dit-il enfin, la voix encore
frémissante et rageuse. Le baron du Becq a livré La Capelle à l’Espagne après
sept jours de siège ! Vous m’avez bien ouï, sept jours de siège ! Et
Saint-Léger a livré le Catelet à l’Espagne après deux jours de siège !
Vous avez bien ouï, deux jours ! Quelle hâte à se jeter dans l’éternel
déshonneur ! Ce sont là deux coquins et couards, coupables de lèse-majesté
au premier chef ! Annoncez, Éminence, qu’ils sont condamnés par contumace
à être écartelés à quatre chevaux, déchus de leur noblesse, leurs descendances
aussi, leurs armes et blasons détruits, leurs maisons rasées et leurs biens
séquestrés !
    Certes, chère lectrice, l’écartèlement est un supplice
atroce, subi, il vous en ramentoit, par Ravaillac pour le meurtre d’Henri IV,
mais dans le cas présent, je ne voudrais pas que pleurent vos beaux yeux, car
ni le baron du Becq ni Saint-Léger ne furent écartelés. Dès qu’ils apprirent
leur condamnation par contumace, nos deux couards – comme il est bien naturel –
se mirent à la fuite et on ne les revit jamais.
     
    *
    * *
     
    Fogacer s’invita à dîner le lendemain de ma première séance
au Parlement et, bien entendu, il savait déjà presque tout des impressions
qu’elle m’avait laissées. Après la repue de midi, Fogacer et moi buvions à
l’ordinaire notre dernier gobelet dans un petit cabinet. Catherine advint et
requit d’être admise en notre bec à bec, nous en donnant ses raisons avec
méthode. Primo , elle n’aimait pas être exclue et demeurer seule dans son
coin comme une pestiférée. Secundo , sa cervelle n’était pas plus faible
que les nôtres, tout le rebours. Tertio , elle était aussi capable que
nous de demeurer close et cousue sur des secrets d’État. Quarto , elle
était aussi adamantinement fidèle que nous au roi et au cardinal.
    À peine avait-elle fini de prononcer ce nom qu’on toqua
fortement à l’huis, et mon maggiordomo ayant donné l’entrant, apparut un
mousquetaire de Richelieu qui insista pour me remettre un pli « en mains
propres ». « Mais elles ne sont jamais sales ! » dit
Catherine. D’un coup d’œil je lui fis entendre que cette sorte de joculation
n’était pas de mise en nos graves entretiens. Elle prit alors une mine contrite
des plus charmantes et secoua sa jolie tête pour me faire entendre qu’elle ne
s’y risquerait jamais plus.
    J’ouvris le pli et fus fort aise de le lire, car le cardinal
m’y annonçait qu’il avait décidé de ne plus m’envoyer en Languedoc pour
recruter le ban et l’arrière-ban, me voulant garder pour assister aux séances
du Parlement où je serais plus utile au roi. Pour le Languedoc, il enverrait
Monsieur de Guron qui, lui aussi, parlait d’oc.
    J’annonçai aussitôt la bonne nouvelle à Catherine qui, comme
on sait, déplorait fort mon département pour le Languedoc. Elle en fut ravie,
et fit un geste pour se jeter à mon cou, mais je prévins cet élan amoureux d’un
seul coup d’œil.
    — Mon cher duc, dit Fogacer, vous n’ignorez pas que je
suis en ce royaume les yeux et les oreilles du nonce apostolique, lequel – je
le dis avec humilité – est par mes soins mieux renseigné que tous les autres
ambassadeurs qui ont accès à Sa Majesté. Cependant, comme vous pourriez vous
lasser de me laisser boire à vos sources, sans jamais boire aux miennes, je
vous propose un troc.
    — Un troc ?
    — Un bargoin, si vous préférez. Vous me contez dans le détail
ce qui fut dit en cette séance du Parlement à laquelle vous assistâtes, et je
vous conte moi, par le menu, les moyens – parfois peu catholiques – que Louis
emploie pour se procurer les clicailles nécessaires à la poursuite de la
guerre.
    — J’accepte votre bargoin, dis-je avec un

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