Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
lui dis que c’était là une parole vile, orde et fâcheuse et que je la lui
eusse fait rentrer dans la gorge à coups d’épée, si le roi n’avait pas interdit
les duels. Après cette algarade qui laissa l’insulteur blanc comme neige,
j’ajoutai d’un ton plus calme en m’adressant à l’ensemble du Parlement :
    — Messieurs, je n’agis pas en catimini, au rebours d’un
rediseur, mais ouvertement, au vu et au su de tous. Vous n’ignorez pas que, si
vous tenez céans des propos espagnols, ils seront par mes soins répétés dans
l’heure à Sa Majesté, laquelle est mon maître, autant qu’Elle est le vôtre.
Vous n’ignorez pas non plus que le roi vous sait très mauvais gré de vos
lanternements à enregistrer les édits que Sa Majesté a pris pour renflouer son
Trésor. Il y a apparence que certains d’entre vous découragent plus qu’ils
n’encouragent les efforts qu’il déploie pour faire reculer l’invasion. La Dieu
merci, le roi dispose contre vous d’un arsenal de contraintes et de sanctions
qui devraient vous inciter à être plus circonspects dans vos actes et dans vos
propos. On m’a averti que certains d’entre vous rêvaient de me faire
assassiner. C’est là un propos puéril. Vous pensez bien que le roi, qui n’a pas
hésité à porter sur le billot la tête d’un Montmorency, ne laisserait pas
impuni le meurtre d’un de ses plus fidèles serviteurs.
    De retour à ma chacunière (mot qui désigne, non comme
d’aucuns le croient une épouse, mais la maison qu’elle partage avec vous),
j’avalai une bonne, quoique sobre, repue avec Catherine, mais quasi sans ouvrir
le bec, tant me préoccupaient la malice et le mauvais vouloir du Parlement à
l’égard du roi. Quand nous fûmes couchés derrière les courtines, nous ne
parlâmes pas davantage de prime, d’autres soins nous appelant. Mais comme à la
sieste bougeante succède toujours la sieste paressante, Catherine me posa à la
parfin la question qui lui brûlait les lèvres.
    — M’ami, dit-elle, vous paraissez songeard et
malengroin. Peux-je vous demander quelle vilaine mouche, au Parlement, vous a
piqué ?
    Je contai alors l’incident du matin chez ces messieurs de
robe et, lui ayant dit là-dessus ma râtelée, j’ajoutai :
    — Mon petit cœur gauche, vous ne sauriez imaginer les
dégoûts que me donnent ces chattemites. Les défaites de nos armes leur donnent
à chaque fois tant de joie qu’ils se gonflent déjà comme des oies et frétillent
du bec à l’idée de becqueter à mort Richelieu après la victoire des Espagnols.
    — Leurs propos sont-ils si messéants ?
    — M’amie, ils sont damnables ! C’est tout juste
s’ils n’ont pas laissé éclater leur joie quand les Espagnols, le seize août,
ont pris Corbie.
    — Quoi ? dit Catherine d’une voix offensée. Ils
ont pris Corbie ! Le jour de l’anniversaire d’Emmanuel !
    Réaction bien féminine qui me titilla fort, étant évident
pour Catherine que les Espagnols, s’ils avaient eu un peu plus de tact,
auraient dû choisir un autre jour que le seize août pour se saisir de Corbie.
En même temps, si naïve que fût cette réplique, elle me toucha fort et, me
penchant sur Catherine, je la couvris de baisers.
    — Monsieur, dit-elle, faisant la fâchée, nous sommes en
train de parler de choses sérieuses, et vous vous jetez sur moi comme une
bête !
    — Je vous en demande, m’amie, mille pardons. Je n’ai
pas pu réfréner cet élan. Mais poursuivez, de grâce, vos questions.
    — Mais qu’est-ce donc, Monsieur, que cette Corbie, pour
que sa perte effraye tant et si fort les Parisiens que d’aucuns, à ce que j’ai
ouï, font déjà leurs paquets pour gagner leurs maisons des champs ?
    — Corbie, m’amie, est ville petite, mais bien fortifiée
et se situe non loin d’Amiens. C’est sa proximité de Paris qui effraye nos
petits sots. Et ils ont bien tort, parce que l’investissement de Paris n’est
pas pour demain, pour la raison que la grande armée hispano-impériale s’est
révélée fort timide en sa stratégie. Au lieu de piquer droit sur Paris et de
l’investir, elle s’est attaquée, l’une après l’autre, à de petites places dont
la prise était pour eux un sujet de contentement, mais n’avait, en fait, rien
de décisif. Cela donna du temps au roi et à Richelieu pour rétablir le Trésor
et former une armée.
    — Et comment se déroula le siège de Corbie ?
    — Ah, m’amie ! De la façon

Weitere Kostenlose Bücher