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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sur qui avez-vous trouvé ce chiffon de
papier ?
    — Sur votre portemanteau.
    — Et vous a-t-il dit qu’il était à moi ?
    — Non, Madame. Vous avez là un bon serviteur. À la
première question il s’est reclos comme une huître. Mais nous savons qu’il est
bien à vous par Augier.
    Si la reine avait été innocente, ou plus futée qu’elle
n’était, elle eût alors demandé qui était cet Augier, et quel rôle il jouait en
cette affaire. Au lieu de cela, elle dit étourdiment :
    — Et qu’a dit Augier ?
    — Il a tout dit, Madame.
    À ce moment, perdant tout espoir, la reine réagit comme une
enfantelette : arrachant tout soudain la lettre à Mirabel des mains du
chancelier, elle la cacha dans son décolleté.
    — Madame, dit Séguier, ce geste est un damnable crime,
car il détourne une pièce à conviction. Je vous somme de me la rendre.
    — Nenni ! Elle est trop bien où elle est.
    — Est-ce votre dernier mot ?
    — Oui. Mille fois oui.
    — Alors, je vais être obligé de la reprendre de ma
propre main.
    — Monsieur, cria la reine, oseriez-vous porter la main
sur une personne royale ! Ce serait un crime de lèse-majesté au premier
chef ! Et vous finiriez la tête sur le billot.
    — Le billot, Madame, n’est pas pour ceux qui obéissent
fidèlement au roi. Tout le rebours, je le mériterais si je vous laissais
prendre et détruire cette lettre.
    — Monsieur ! Si vous osez faire un pas vers moi,
j’appelle ma garde.
    — Madame, le roi, vous connaissant, a pris ses
précautions. Il a remplacé votre garde par la sienne, et vous n’avez pas
d’espoir à attendre de ce côté-là. Madame, remettez-moi sans tant languir la
lettre en question ou je vais la prendre de force.
    — Jamais ! Jamais ! Jamais !
    Le chancelier, alors, s’avança hardiment vers la reine, et
immobilisant son bras gauche, plongea la main dans son décolleté. À vrai dire,
il tâtonnait pas mal, n’étant pas coutumier de cet exercice. La reine, alors,
s’impatienta, et y mettant la main à son tour ramena la lettre de sa cachette
et la tendit rageusement au chancelier.
    — Madame, dit le chancelier en mettant un genou à
terre, je vous remercie d’être venue à résipiscence, et avec votre permission,
je prends congé de vous.
    — Allez, allez, Monsieur le Chancelier ! dit la reine
d’une voix furieuse. Vous n’irez pas au Paradis ! C’est moi qui vous
l’affirme !
    — Madame, qui peut décider que nous serons sauvés, vous
et moi, sinon le Tout-Puissant ?
    Là-dessus, il fit à la reine les trois saluts protocolaires,
et s’en alla, la sueur au front, serrant dans sa main crispée la lettre qui lui
avait valu, bien à contrecœur, de toucher les tétins de la reine de France.
    Cependant, la reine persista à tout nier avec l’effronterie
d’une petite fille qui a mis le doigt dans la confiture devant sa mère et qui
jure que ce n’est pas elle.
    Mais, la Dieu merci, elle n’était pas aussi obtuse et
obstinée que la reine-mère et, d’un autre côté, ses proches amies la
persuadèrent qu’en continuant à nier, elle aggravait son cas par l’insolence de
son attitude. En revanche, si elle avouait tout, sa confession, comme dans
l’affaire Chalais, lui vaudrait sans doute le pardon.
    Le dix-sept août, dûment chapitrée, la reine se résigna à
demander un entretien au cardinal. Vous avez bien lu, lecteur, au cardinal, et
non au roi. Elle avait peur des colères du roi, et elle était sûre en revanche
que le cardinal, lui, ne se fâcherait pas. Elle l’attribuait à sa robe et à sa
bonté. En quoi elle se trompait prou. Le cardinal détestait les femmes dont il
disait qu’elles étaient d’étranges animaux et que d’elles il n’y avait rien de
bon à attendre. Chose curieuse, cette misogynie l’amenait à se montrer assez
indulgent à leur encontre : puisqu’elles n’étaient capables que du pire,
on ne pouvait pas trop leur en vouloir.
    Avant cette rencontre, la pauvre reine avait fait belle et
longuette toilette, et jamais peine ne fut davantage perdue. Néanmoins, le
cardinal la reçut, avec une courtoisie un peu roide, mais selon tous les signes
du profond respect qu’imposait le protocole. La reine avoua tout, le cardinal
l’oyant avec beaucoup d’attention et sans mot dire. Quand elle eut fini sa
confession, Richelieu hocha la tête à plusieurs reprises, sans qu’elle pût
savoir si ces hochements exprimaient la sévérité ou la

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