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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mansuétude.
    — Madame, dit-il enfin avec une extrême douceur, cela
est grave, en effet, j’oserais même dire gravissime. Mais ne craignez rien, je
vais m’employer de mon mieux à obtenir pour vous le pardon du roi.
    La reine ne vit rien des raisons politiques qui inspiraient
cette évangélique bonté. Elle fut envahie par une brusque bouffée de gratitude,
et se levant avec la spontanéité et la naïveté d’une enfant, elle
s’exclama :
    — Faut-il que vous ayez de la bonté, Monsieur le
Cardinal !
    Et là-dessus, oubliant tout protocole, elle lui tendit la
main. Le cardinal se garda bien de la saisir et salua la reine par trois
reprises, pliant le genou à terre.
    La reine n’était pas pourtant au bout de ses peines. Louis
exigea qu’elle mît par écrit sa confession, en même temps que la promesse
solennelle de ne pas retomber dans ses erreurs. Cette lettre devait être, en
outre, écrite et signée de sa main.
    Cette mansuétude me scandalisa quelque peu, mais à y
réfléchir plus outre, j’en entends les raisons. Que pouvait-on faire
d’autre ? Répudier la reine et la renvoyer en Espagne ? Engager
ensuite un longuissime procès auprès du pape afin qu’il déliât le lien
conjugal ? Mais ce procès, on n’était pas du tout sûr de le gagner, le
pape gardant une fort mauvaise dent à Louis de ses alliances avec des pays
hérétiques. Et que de temps perdu pour une fin si douteuse !
    Ne valait-il pas mieux persister dans les efforts que Louis
faisait quasi quotidiennement pour que la reine eût enfin un fils qui ne mourût
pas avant que de naître, comme tous ceux qui l’avaient précédé. Quant à la
trahison elle-même, on pouvait lui trouver, non des excuses, mais des
explications. La reine aimait à l’extrême sa famille espagnole. Elle ne se
lassait jamais de ramentevoir à ses dames d’atour qu’elle était la fille de feu
Philippe III d’Espagne, la sœur du roi régnant, et la sœur aussi du
cardinal-infant, gouverneur des Pays-Bas. La gloire de sa famille éblouissait
ses yeux ! Et comme la France lui paraissait petite et mesquine en
comparaison ! Et comme elle pleura, le jour où Louis XIII renvoya ses
dames d’atour espagnoles en leur pays, en raison des insolences de leur
conduite. Quant à son mari français, hélas, comme il ressemblait peu aux
hidalgos altiers qui, à la Cour d’Espagne, la regardaient respectueusement,
mais avec des yeux de feu. Louis, au début, bégayait quelque peu, il avait peur
des femmes. Il n’osait la regarder en face. Ses premiers essais furent
désastreux. Il fallut à la parfin le porter jusqu’au lit conjugal pour qu’enfin
il réussît « à parfaire son mariage » avec la reine, comme disait
chastement le nonce apostolique. C’était trop tard pour qu’elle lui en sût gré,
cette longue attente, semaine après semaine, l’avait profondément humiliée.
C’est vrai que leurs rapports eurent l’air, ensuite, de devenir normaux, mais
la reine entendit bientôt que ce n’était pas par amour pour elle ni par désir
que Louis, régulièrement, venait honorer sa couche, mais qu’il y venait
accomplir un devoir dynastique, tâchant de tirer d’elle un dauphin.
    Il est vrai que ni le gentil sesso , ni l’amour que
l’homme lui porte, n’étaient à l’honneur dans l’éducation que Louis avait
reçue. Il était fils d’une mère tyrannique qui tâchait de lui ôter son orgueil
d’homme en le privant de tout pouvoir et en le rabaissant sans cesse, quoi
qu’il dît. En outre, elle ne l’entourait que de laiderons de peur que l’amour,
fût-ce celui d’une chambrière, lui donnât l’énergie de lui résister. Cette
attitude avait été renforcée par la façon dont il avait été élevé par des
prêtres qui, de peur que Louis ne ressemblât au Vert-Galant, lui avaient décrit
l’acte de chair comme le chemin qui menait à la perdition de l’âme. Qu’on le
fit en mariage comme un pénible devoir, cela pouvait encore passer, mais qu’on
y trouvât du plaisir, c’était déjà faire beaucoup trop de cas du corps, cette
« guenille ». Toute Ève de reste était suspecte, qui pouvait mener
par le plaisir à la perdition de l’homme. C’est ainsi que ces bonnes gens,
croyant bien faire, façonnèrent un jeune homme qui, adulte, prenait une pincette
pour fouiller dans le décolleté d’une fille. Il est vrai qu’il tomba plus tard
amoureux de Mademoiselle de La Fayette, mais ce fut un amour

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