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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rappela
l’arrestation de Ravaillac par la garde d’Henri IV. Elle l’arrêta parce
qu’il furetait autour du Louvre comme s’il attendait la sortie du roi. Mais
elle le fouilla très mal, se contentant de lui tâter le dos, le ventre, les
flancs et les cuisses. Si elle l’avait mis nu, comme c’était son devoir, elle
eût trouvé le couteau meurtrier attaché à son mollet, et Henri IV ne
serait pas mort assassiné.
    Les gendarmes de Louis XIII furent autrement
consciencieux. Ils mirent La Porte nu comme ver, et cela fait, ils fouillèrent
sa vêture avec la dernière minutie. C’est ainsi qu’ils découvrirent, cousue
sous le genou droit de son haut-de-chausse, la lettre de la reine à Mirabel.
    On interrogea La Porte et on le serra en Bastille. Fidèle à
sa maîtresse, il se ferma comme une huître. Les geôliers l’eussent volontiers
mis à la question. Le cardinal jugea que c’était inutile. La lettre de la reine
à Mirabel était suffisamment explicite pour établir sa trahison. On inspecta de
nouveau le couvent du Val-de-Grâce. La supérieure, mère Saint-Étienne, tomba
miraculeusement malade quand on fouilla son couvent, sans trouver du reste le
moindre indice. On annonça alors à la mal allante qu’elle était guérie, mais
déposée de son rang de mère supérieure, et reléguée comme simple nonne au
couvent de La Charité-sur-Loire.
    Le roi commit à l’interrogatoire de la reine le chancelier
Séguier, le premier grand officier de la couronne depuis l’abolition de la
connétablie. Bien qu’ayant regard sur tous les aspects de la vie du royaume, le
chancelier incarnait particulièrement la justice, ministère où il excellait. Il
avait beaucoup d’esprit, de tact et de talent, et se tirait à son avantage des
situations les plus délicates.
    Issue de l’élite marchande de la capitale, sa famille
s’était ensuite élevée par les offices de finances et de justice. Possédant
lui-même le talent de faire des pécunes avec des pécunes, le chancelier
s’enrichit prou en prêtant clicailles aux nobles endettés. Tant est qu’il
acheta en 1624 à son oncle la charge de président du Parlement pour la somme de
cent vingt mille livres. Et en 1633, devenu garde des sceaux, il la revendit
quatre cent mille livres…
    Les finances attirant les finances, Séguier épousa la fille
d’un trésorier de la guerre, laquelle lui apporta quatre-vingt-dix mille livres
de dot. Il aimait le gentil sesso, mais il ne fut jamais infidèle à son
épouse, non par vertu, disait Fogacer, mais « parce qu’il était trop
occupé à compter ses boursicots ». Ni goinfre, ni buveur, ni joueur, et
aimant la marche, il jouissait d’une excellente santé et mourut à l’âge de
quatre-vingt-quatre ans. Je l’ai souventes fois encontré dans les couloirs du
Louvre. Il était vêtu avec élégance, mais dans les notes sombres, et sans les
dentelles et colifichets abhorrés par le roi. Il portait une barbe noire
taillée assez courte, et un air de sérieux et de majesté qui, je ne sais
pourquoi, faisait penser à un rabbin.
    On apprit ce qui s’était passé au cours de son
interrogatoire par la reine elle-même, qui s’amusa à le conter à ses
pimpésouées de cour, sans omettre l’incident le plus piquant de cet entretien.
    Après les salutations protocolaires d’un sujet à la reine de
France, le chancelier commença d’une voix neutre :
    — Madame, le roi m’a confié une lettre de votre main
adressée au marquis de Mirabel et lui donnant certaines informations sur nos
armées.
    — Cette lettre n’est pas de moi ! s’écria la
petite reine aussitôt.
    — Madame, c’est ce que nous allons, se peut, découvrir
en la lisant.
    — Lisez, Monsieur, dit la reine d’un air hautain.
    Et d’une voix posée, articulée, mais soigneusement neutre,
le chancelier lut la lettre de la reine à Mirabel.
    Quand il eut fini, la reine s’écria :
    — Ce chiffon est une imposture ! Il n’est pas de
ma main.
    — Madame, dit Séguier, le roi, qui possède plusieurs
lettres de vous, les a comparées à celle-ci, et a authentifié l’écriture et la
signature.
    — C’est qu’on les a bien imitées, dit avec feu la
reine.
    — On a aussi trouvé, Madame, deux fautes de français
dont vous êtes coutumière.
    — Monsieur le Chancelier, dit la reine avec feu,
oseriez-vous critiquer mon français ?
    — Dieu m’en garde, Madame ! C’est le roi qui parle
ici par ma bouche.
    — Et

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