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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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platonique. Il se
tenait debout devant elle, il la regardait, il lui parlait, mais il ne la
touchait pas : l’empreinte de son éducation était indélébile. La belle, de
reste, n’avait pas vocation à la chair. Elle entra au couvent. Il y alla la
voir presque tous les jours, et derrière la grille du parloir, obstacle
infranchissable, il lui parlait intarissablement. Bien que Louis dans les
affaires publiques menât toutes choses avec la dernière énergie, il ne lui vint
jamais en cervelle l’idée de se faire ouvrir d’autorité cette grille comme son
père l’eût fait, ce qu’il fit du reste par deux fois, quand il assiégeait
Paris. Comme on s’en souvient, il trouva dans ces couvents deux charmantes
nonnettes dont la vertu n’était pas encore chevillée au corps.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, un mot de grâce ! Êtes-vous amoureux
de la princesse de Guéméné ?
    — Belle lectrice, cette question n’est que peu
historique !
    — Alors pourquoi l’avez-vous évoquée dans vos
Mémoires ?
    — Comment puis-je évoquer l’Histoire sans parler aussi
de la mienne ?
    — Vous ne répondez pas à ma question.
    — C’est que, Madame, je n’en ai pas le désir.
    — Madame de Quercy à Chantilly a donc eu raison de vous
traiter de chattemite, car le fait est là, vous n’avez pas poussé ce coffre
contre la porte sans verrou.
    — M’amie, c’est à mon confesseur de m’entendre à ce
sujet. Tout autre discours là-dessus serait redondant. Plaise à vous de me
poser meshui une question pertinente.
    — La voici pour vous plaire. Ni le roi, ni le cardinal,
ni sa police n’ont rien su du projet meurtrier de Gaston et de Soissons à
Amiens. Comment se fait-il que vous, vous le connaissez ?
    — Le comte de Montrésor s’en est confié à moi.
    — Qui est ce comte de Montrésor ?
    — Le grand veneur de Gaston.
    — Pourquoi s’est-il confié à vous ?
    — Nous sommes amis. Et ce projet meurtrier tabustait
peut-être sa conscience, même s’il n’avait pas abouti.
    — Et que ne s’est-il pas confessé plutôt à un
prêtre ?
    — Parce qu’il craignait sans doute que le prêtre
estimât de son devoir de le redire à son évêque, lequel aurait très bien pu le
redire au pape. Et pourquoi d’ailleurs se confesser ? Le meurtre était
resté à l’état de projet et n’était pas un péché.
    — La seule tentation, Monsieur, en était une.
    — M’amie, votre théologie est sévère.
    — Et ce que ce comte vous a dit, l’allez-vous redire au
cardinal ?
    — Fi donc, Madame ! Trahir un ami !
    — Êtes-vous fâché contre moi ?
    — À peine un peu froissé, mais mon caractère a ceci de
bon qu’un sourire le défroisse. Merci pour le sourire, Madame, il était
ravissant.
    — Peux-je encore vous poser question ?
    — Posez, de grâce !
    — Savez-vous les raisons pour lesquelles Gaston et
Soissons, comme vous l’avez écrit, ont fui Paris en catimini, le premier
s’étant réfugié à Blois en son fief, et l’autre chez le duc de Bouillon à
Sedan ?
    — Je ne le sais pas de façon sûre, mais je peux
l’imaginer.
    — Est-ce qu’un historien a le droit d’imaginer ?
    — Nenni, il doit s’appuyer sur des documents.
    — Tandis que vous, vous avez le droit que vous déniez
aux historiens.
    — Non plus. Mais n’étant que mémorialiste, je peux me
permettre de faire de vraisemblables hypothèses, pour peu que je prévienne le
lecteur que ce sont des hypothèses. Dans l’affaire qui nous occupe, il
m’apparaît que les raisons que donnent Soissons et Gaston pour expliquer leur
fuite ne sont pas convaincantes.
    — Et quelles sont-elles ?
    — Gaston se plaignait qu’on l’eût traité rudement et
qu’entre autres choses on l’eût forcé à se démarier.
    — Vous décroyez cette raison, et pourquoi ?
    — Elle est un peu trop tardive. Quant à Soissons, il
fuyait parce que le cardinal voulait le forcer à épouser sa nièce, Madame de
Combalet. Or, le cardinal nourrissait, en effet, ce projet insensé mais, le roi
ne l’appuyant pas, Richelieu n’avait aucun moyen de contraindre un prince du
sang à épouser une dame dont la condition était manifestement inférieure à la
sienne.
    — Quelle était donc, à votre sentiment, la vraie raison
pour laquelle ils s’enfuirent ?
    — La voici, à mon sentiment, comme vous dites. Croyant
fort à l’infaillibilité de la police cardinaliste, ils s’étaient

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