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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rapides que nous ne
les aurions jamais arrêtées sans construire nous-mêmes des bateaux comme les
leurs.
    — Et nos galères, qui les fait marcher ?
    — Je vous l’ai dit, m’amie, nos galériens.
    — Mais comment les recrute-t-on ?
    — Parmi les condamnés à mort qui préfèrent la pelle à
la corde.
    — Comment se fait-il, dit Catherine d’un ton piqué, que
vous sachiez tant de choses, et moi presque rien ?
    — Parce qu’on vous a élevée pour mettre au monde des
enfantelets et les élever.
    — Et vous, par contre, on vous a élevé pour faire tout
le reste.
    — Ne vous plaignez pas trop, m’amie. Dans ce
« tout le reste », il y a aussi la guerre.
    — Pour une fois, Monsieur, c’est moi qui vais vous
apprendre meshui quelque chose. Je connais une nouvelle que vous ne connaissez
pas.
    — Je vous ois de toutes mes ouïes.
    — Mes belles amies de cour m’ont chuchoté à l’oreille
que la reine s’est rendue coupable pendant la guerre d’une gravissime trahison,
mais sans en vouloir dire davantage, si bien que, depuis, la curiosité me
ronge. M’ami, ôtez-moi d’un doute, savez-vous ce qu’il en est ?
    — Pas le moins du monde.
     
    *
    * *
     
    Au Louvre, je fus reçu par Bouthillier, lequel me dit que
pour l’instant ni le roi ni le cardinal n’avaient de tâche à me confier, mais
qu’ils aimeraient néanmoins me voir au Louvre tous les matins sur le coup de neuf
heures, au cas où la nécessité d’une mission apparaîtrait.
    Je ne fus guère enchanté de cette nouvelle procédure qui me
passait la corde au cou tous les matins, alors que j’aimais assister, au moins
en partie, à la toilette de Catherine, laquelle, de reste, me demandait quand
et quand mon avis. Après réflexion, je le lui donnais, non sans prudence, et
avec la gravité qui convenait au sujet. C’est ainsi que je la convainquis,
après beaucoup de prêchi-prêcha, de ne plus user comme nos coquettes pour se pimplocher
le visage de céruse et de peautre, l’un étant dérivé de l’étain, l’autre du
plomb, et tous deux fort nocifs.
    Le lecteur n’a sans doute pas oublié que j’aimais déjà, en
mes jeunes années, assister à la toilette de ma « marraine », la
duchesse de Guise, et d’autant que ses chambrières étaient jeunes et accortes.
Tel n’était pas le cas des garcelettes qui assistaient Catherine, lesquelles
n’avaient guère à se glorifier dans la chair : ce que mes lectrices
n’auront aucun mal à entendre, le point de vue d’une épouse n’étant pas celui
d’une mère…
    Il va sans dire que je noulus quitter le Louvre sans aller
visiter la princesse de Guéméné. Il était, certes, un peu tôt dans la matinée
pour aller toquer à l’huis d’une dame, mais celle-là, grande promeneuse, nageuse
intrépide et parfaite écuyère, n’était pas femme à se lever à l’heure où
d’autres ont le ventre à table. Et par le fait, son maggiordomo ne fut
nullement déconcerté par l’heure matinale de ma visite, et m’introduisit dans
un petit cabinet où j’attendis à peine quelques minutes avant que la belle
n’apparût.
    Et belle, certes, elle l’était, et ce qui était se peut plus
attrayant pour moi, elle était fort douce de cœur, de manières, et de voix, ce
qui à mon sentiment est un très grand attrait chez une femme. En fait, elle me
rappelait l’infante Claire-Isabelle Eugénie qui commandait les Pays-Bas
espagnols, quand j’y fus pour porter à Gaston, comme on s’en ramentoit, le
passeport du roi qui lui permettait de rentrer en France.
    La différence était l’âge, la vêture et la vigueur.
L’infante était plus âgée, portait par dévotion une robe de nonne, et elle
était de santé fragile. Toutefois, pour les raisons que j’ai dites, je l’aimais
prou et fus fort désolé quand elle mourut subitement pour avoir pris froid, comme
je l’ai déjà conté, lors d’une interminable procession dans les rues glacées de
Bruxelles. Il faut dire qu’elle la suivait à pied, alors que la princesse de
Guéméné, à sa place, l’eût suivie dans sa carrosse, avec une chaufferette sous
les pieds.
    — Adonc, m’ami, dit la princesse de Guéméné
joyeusement, qu’ai-je ouï ? Vous allez d’ores en avant venir au Louvre
tous les jours à neuf heures ! Est-ce à dire…
    Elle s’interrompit, rougit et, n’osant aller jusqu’au bout
de son propos, se tut.
    — Madame, dis-je, si votre pensée est la même que la
mienne,

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