Le grand voyage
aujourd’hui, il faut
partir tout de suite.
Le regard de mépris courroucé qu’elle lui jeta lui fit regretter
ces dernières paroles.
— Ça te plairait, toi, qu’on t’abandonne quand tu as
peur ? riposta-t-elle. Il n’ose pas sauter dans l’eau parce que c’est
nouveau pour lui. C’est normal, non ?
— Mais je voulais dire... enfin, Ayla, ce n’est qu’un loup,
et les loups savent nager. Il a seulement besoin d’une bonne raison pour se
jeter à l’eau. S’il ne nous rattrape pas, nous reviendrons le chercher. Je n’ai
jamais envisagé un seul instant de l’abandonner, tu sais.
— Inutile de revenir le chercher, j’y vais maintenant,
déclara Ayla. Elle tourna le dos à l’homme pour encourager Loup à sauter, et
fit entrer Whinney dans l’eau. Le louveteau poussait des gémissements,
reniflait le sol labouré par les sabots, et leur jetait des regards implorants.
Guidant sa jument dans le courant, Ayla appela le loup, mais au milieu de la
rivière, Whinney, sentant le sol se dérober sous ses sabots, hennit de peur et
se débattit à la recherche de la terre ferme.
— Allez, Loup, viens ! Allez, ce n’est que de l’eau,
saute ! cria Ayla, tentant d’obtenir par la cajolerie que le jeune animal
effarouché se jette dans l’eau tourbillonnante.
Décidant alors de nager jusqu’à la rive escarpée, elle se laissa
glisser du dos de Whinney. Loup rassembla enfin son courage et sauta. Il tomba
dans l’eau avec un grand plouf et se mit aussitôt à nager vers Ayla.
— Bravo, Loup, c’est bien !
Whinney fit demi-tour, luttant pour reprendre pied, et Ayla,
tenant Loup d’une main, essaya de la rejoindre. Jondalar, qui était entré dans
l’eau jusqu’à la poitrine, calma Whinney et s’avança au-devant d’Ayla. Ils
regagnèrent la berge tous ensemble.
— Eh bien, dépêchons-nous, si nous voulons avancer un peu
aujourd’hui ! lança Ayla en remontant sur Whinney, l’œil toujours brillant
de colère.
— Non, arrête ! s’exclama Jondalar en la retenant.
Nous ne partirons pas avant que tu aies changé tes vêtements trempés. D’ailleurs,
nous ferions mieux de frictionner les chevaux pour les sécher, et Loup aussi.
Nous avons fait assez de chemin pour aujourd’hui. Nous camperons ici, ce soir.
J’ai mis quatre ans pour arriver jusqu’ici, je me moque pas mal d’en mettre
autant pour rentrer chez moi, du moment que je t’y conduis saine et sauve,
Ayla.
L’inquiétude et l’amour qu’Ayla lut dans les yeux si bleus de
Jondalar eurent raison de sa colère. Elle se blottit contre lui. Il chercha ses
lèvres, et comme la première fois, lorsqu’il lui avait montré ce qu’était un
baiser, elle ressentit un plaisir merveilleux. A la pensée qu’ils voyageaient
ensemble et qu’elle l’accompagnait chez son peuple, une joie ineffable la
submergea. Elle l’aimait plus qu’elle n’aurait su le dire, davantage encore
après ce long hiver où elle avait cru qu’il ne l’aimait pas et qu’il partirait
sans elle.
Lorsqu’elle était retournée dans la rivière, il avait craint
pour sa vie, et maintenant il la serrait dans ses bras. Il n’aurait jamais cru
possible d’aimer quelqu’un à ce point. Avant Ayla, il ne se savait pas capable
d’un tel amour. Il avait même failli la perdre, convaincu qu’elle resterait
avec l’homme à la peau sombre et aux yeux rieurs, et il ne supportait pas l’idée
de la perdre une seconde fois.
Avec pour compagnons deux chevaux et un loup, dans un monde qui
ignorait que les animaux pussent s’apprivoiser, un homme seul avec la femme qu’il
aimait, au milieu de vastes prairies glacées, peuplées d’animaux d’innombrables
espèces mais où l’homme était rare, se préparait pour un Voyage à travers tout
un continent. Parfois, l’idée qu’un malheur pût s’abattre sur Ayla le
pétrifiait de peur. Dans ces moments-là, il voulait la serrer contre lui pour
toujours.
Jondalar sentit la chaleur du corps d’Ayla, l’abandon de son
baiser, et le désir monta en lui. Mais cela attendrait. Elle était trempée et
glacée, elle avait besoin d’un feu et de vêtements secs. Ce rivage offrait un
bon emplacement pour camper, et s’il était encore tôt pour s’arrêter, eh bien,
ils auraient au moins le temps de sécher leurs habits et ils partiraient le
lendemain à la première heure.
— Loup ! Lâche ça ! s’écria Ayla en se
précipitant pour arracher au jeune animal l’objet enveloppé
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