Le grand voyage
serré,
sachant sa mort certaine sans sa mère. Pourtant, elle n’avait pas pensé à le
recueillir et à l’élever. Pourquoi y aurait-elle songé. Personne n’avait encore
fait une chose pareille.
Mais lorsque des hyènes s’en étaient prises au poulain
effarouché, Ayla avait repensé à celle qui avait essayé d’emporter le bébé d’Oga.
Ayla détestait les hyènes, peut-être à cause de l’épreuve qu’elle avait dû
affronter quand elle en avait tué une, dévoilant ainsi son secret à tous. Elles
n’étaient pas pires que la plupart des autres prédateurs ou charognards, mais
elles symbolisaient, aux yeux d’Ayla, la cruauté, le vice et le mal. Sa
réaction ce jour-là avait été la même que la première fois, et les pierres qui
avaient jailli de sa fronde avaient été aussi efficaces. Elle avait tué une
hyène, mis les autres en fuite, et secouru le jeune animal sans défense. Mais
cette fois, au lieu du bannissement, elle avait trouvé un compagnon à sa
solitude, et les joies d’une relation affective extraordinaire.
Ayla avait pour le louveteau l’amour d’une mère pour un enfant
charmant et intelligent, mais ses sentiments envers la jument étaient
différents. Whinney avait partagé son isolement, et elles s’étaient toutes deux
rapprochées autant qu’il était possible à deux créatures aussi dissemblables.
Elles se connaissaient bien, se comprenaient, et se faisaient confiance. La
jument louvette n’était pas seulement un animal utile, ni même un enfant aimé,
elle avait été son unique compagne pendant des années, c’était son amie fidèle.
La première fois qu’Ayla avait grimpé sur le dos de Whinney et l’avait
chevauchée au triple galop, ç’avait été un acte spontané, irrationnel. Et la
griserie de cette cavalcade l’avait incitée à recommencer. Au début, elle n’avait
même pas essayé de diriger la jument, mais elles étaient si proches que leur compréhension
mutuelle avait grandi à chaque sortie.
En attendant que Jondalar eût terminé, Ayla regardait Loup
mâchonner son chausson et se dit qu’il fallait trouver un moyen de canaliser
ses instincts destructeurs. Elle enregistra machinalement les détails de la
végétation qui poussait sur le bout de terrain où ils venaient de camper. La
rivière, qui butait sur le haut talus escarpé de la rive opposée, inondait
chaque année la berge en pente douce, déposant un terreau fertile qui
nourrissait une grande variété de broussailles, d’herbes, d’arbustes et
au-delà, les gras pâturages. Partout où elle allait, Ayla prêtait attention aux
plantes. C’était une seconde nature, et grâce à un savoir enraciné au point d’en
être devenu presque un instinct, elle cataloguait tout ce qui poussait et en
répertoriait l’usage.
Elle vit un arbousier raisin d’ours, arbuste nain qui poussait
dans la lande, aux petites feuilles coriaces et persistantes d’un vert foncé,
les branches chargées de clochettes blanches teintées de rose, promesse d’une
récolte abondante de baies rouges. Amères et astringentes, on pouvait les
adoucir en les cuisant avec d’autres aliments. Mais les baies, Ayla le savait,
étaient plus qu’une nourriture, leur jus soulageait la brûlure que cause
parfois la miction, surtout lorsque l’urine est mêlée de sang.
Plus loin, un raifort dont les petites feuilles blanches étaient
groupées au somment d’une tige aux feuilles alternes et étroites qui surgissait
d’un bouquet de longues feuilles plus larges, d’un vert foncé brillant. Sa
racine, allongée et charnue, à l’arôme âcre, possédait un goût violemment
épicé. En petite quantité, il relevait agréablement les plats, mais ses
propriétés médicinales intéressaient davantage Ayla. C’était un stimulant pour
l’estomac, il aidait à uriner et soulageait les articulations douloureuses.
Elle hésita à en récolter, et décida finalement de ne pas s’attarder.
Mais en voyant une sauge des prés, elle n’hésita pas à sortir
son bâton à fouir. Sa racine était l’un des ingrédients de la tisane matinale
qu’elle buvait pendant la période lunaire où elle saignait. Le reste du temps,
elle se composait une infusion avec d’autres plantes, notamment les fils d’or
qui s’enroulent autour des végétaux et les étouffent. Il y avait fort
longtemps, Iza lui avait parlé des herbes magiques qui fortifieraient son totem
et l’aideraient à vaincre celui des hommes, évitant
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