Le grand voyage
rafales de neige, est trop
facilement repérée par les rares proies en hiver. Sans compagnon, sans famille
pour prendre soin d’elle et de ses petits et l’aider à se nourrir, la femelle s’était
affaiblie, et ses bébés avaient succombé l’un après l’autre. Il n’en était
bientôt resté plus qu’un.
Ayla connaissait les loups. Dès qu’elle avait commencé à
chasser, elle avait observé leurs mœurs, mais comment aurait-elle deviné que le
loup noir, qui avait essayé de lui voler l’hermine qu’elle venait d’abattre
avec sa fronde, était une mère affamée, encore en train d’allaiter ? La
saison de la reproduction était passée. Lorsqu’elle avait voulu récupérer sa fourrure
et que, contre toute attente, le loup l’avait attaquée, Ayla l’avait tué pour
se défendre. C’était alors qu’elle s’était aperçue de l’état de l’animal. Elle
en avait déduit qu’elle avait eu affaire à une louve solitaire, et éprouvant
une étrange affinité avec l’animal chassé de sa bande, elle s’était mise à la
recherche des petits orphelins qui ne trouveraient personne d’autre pour les
adopter. Elle avait suivi les traces de la louver jusqu’à sa tanière, puis elle
avait rampé à l’intérieur où elle avait trouvé le dernier petit survivant, les
yeux à peine ouverts et pas encore sevré. Elle l’avait pris et l’avait rapporté
au Camp du Lion.
Lorsqu’Ayla leur avait montré le minuscule bébé loup, tout le
monde avait été surpris, mais déjà elle était arrivée dans ce Camp avec des
chevaux qui lui obéissaient. On s’était habitué à leur présence et à cette
femme étrange qui s’entendait si bien avec les animaux. Et puis, tout le monde
se demandait ce qu’elle allait faire de ce loup. Qu’elle pût l’élever et le
dresser en avait étonné plus d’un. Jondalar, lui-même, était encore ébahi par l’intelligence
de l’animal. Une intelligence presque humaine.
— J’ai l’impression qu’il te taquine, Ayla, dit Jondalar.
Ayla regarda Loup et ne put réprimer un sourire. Aussitôt, le louveteau
redressa la tête et sa queue fouetta le sol.
— Tu as sans doute raison, mais ça ne m’aidera pas à l’empêcher
de mâchonner tout ce qu’il trouve, répondit Ayla en contemplant le chausson
déchiqueté. Autant lui laisser celui-là. Il l’a déjà mis en pièces, et tant qu’il
jouera avec, il ne touchera peut-être pas le reste.
Elle lui jeta le chausson qu’il attrapa au vol d’un bond avec,
Jondalar l’aurait juré, un sourire moqueur.
— Dépêchons-nous, fit-il en se souvenant qu’ils n’avaient
pas beaucoup progressé la veille.
Une main en visière pour se protéger du soleil qui se levait à l’est,
Ayla scruta les alentours. Elle aperçut Whinney et Rapide dans la prairie
herbeuse, derrière la bande de broussailles qui longeait le coude de la
rivière. Elle siffla, un sifflement proche, mais différent tout de même, de
celui qu’elle utilisait pour appeler Loup. La jument à la robe louvette dressa
la tête, hennit et accourut au galop. Le jeune étalon la suivit.
Ils plièrent la tente, chargèrent les chevaux, et s’apprêtaient
à lever le camp quand Jondalar décida de répartir les piquets de la tente dans
un panier et ses sagaies dans un autre pour équilibrer son chargement. Ayla
attendait, adossée à Whinney. Elles aimaient toutes deux cette position qu’Ayla
avait adoptée quand la pouliche était sa seule compagne dans la vallée riche
mais déserte où elle vivait alors.
Elle avait tué la mère de Whinney aussi. Elle chassait déjà
depuis des années, mais seulement avec sa fronde dont elle avait appris seule à
se servir. Elle pouvait la cacher facilement, et elle avait justifié cette
transgression des tabous du Clan, en utilisant sa fronde uniquement contre les
prédateurs qui chassaient les mêmes proies que les hommes, et leur volaient
parfois leur viande. Le cheval fut le premier gros animal à chair abondante qu’elle
tua, et ce fut aussi la première fois qu’elle se servit d’une lance.
Si elle avait été un garçon, le Clan l’aurait autorisée à se
servir d’un épieu, et c’eût été sa première chasse. Mais une femme qui
utilisait un épieu devait mourir. Elle avait tué le cheval pour manger. Mais en
creusant le piège, Ayla n’avait pas prévu qu’une jument en train d’allaiter y
tomberait. Lorsqu’ensuite elle avait aperçu le poulain, son cœur s’était
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