Le grand voyage
conduire. Ce chemin ne lui était pas familier, mais
si c’était un raccourci avantageux, sans doute valait-il mieux le prendre. Si
seulement il était sûr d’atteindre ainsi avant le printemps le plateau du
glacier, à la source de la Grande Rivière Mère, il n’hésiterait même pas.
Cela impliquait qu’il abandonnât l’idée de revoir une dernière
fois les Sharamudoï, mais était-ce si important ? Il dut s’avouer qu’il en
brûlait d’envie, il avait tellement espéré ces retrouvailles. Il s’efforçait de
faire la part des choses : sa décision d’emprunter la route du sud se
justifiait-elle par son désir de prendre un chemin familier, et donc d’arriver
à bon port avec Ayla, ou par l’envie de revoir un peuple qu’il considérait
comme sa seconde famille ? Les conséquences possibles d’un mauvais choix l’inquiétaient.
Ayla interrompit les méditations de Jondalar.
— Regarde, Jondalar, déclara-t-elle. Je crois que nous
pouvons traverser ici, la rive d’en face paraît facile à gravir.
Ils étaient parvenus à un coude de la rivière, et ils s’arrêtèrent
pour examiner la situation. De leur côté, le courant bouillonnant avait creusé
une berge escarpée, mais en face, la rive intérieure du méandre s’élevait en
pente douce, étroite plage d’alluvions grisâtres bordées de broussailles ?
— Crois-tu que les chevaux pourront descendre par
ici ?
— Oui, je pense, répondit Ayla. L’eau doit avoir creusé
profond de ce côté-ci. Il est impossible de deviner si les chevaux devront
nager ou non. Alors, peut-être est-il préférable de mettre pied à terre et de
traverser à la nage, nous aussi. Si ce n’est pas trop profond, s’empressa-t-elle
d’ajouter en voyant la mine contrariée de Jondalar, les chevaux nous porteront
de l’autre côté. J’ai horreur de mouiller mes vêtements, mais je n’ai vraiment
pas envie de les ôter pour nager.
Ils forcèrent les chevaux à descendre le talus escarpé. Leurs
sabots glissèrent sur la terre fine et tous furent précipités à grand renfort d’éclaboussures
dans le courant violent qui les entraîna en aval. C’était plus profond qu’Ayla
ne l’avait prévu. Après un instant de panique, les chevaux s’habituèrent à ce
nouvel élément et entreprirent de nager à contre-courant jusqu’à la rive
opposée. Comme ils remontaient la pente douce de la berge, Ayla chercha Loup
des yeux, et l’aperçut sur la rive qu’ils venaient de quitter, jappant et
couinant, courant de droite et de gauche.
Il n’ose pas sauter, constata Jondalar.
Allez, Loup ! Saute ! l’encouragea Ayla. Vas-y, tu
peux nager. Mais le jeune loup continuait à gémir, la queue entre les pattes.
— Qu’est-ce qui lui prend ? Ce n’est pourtant pas la
première fois qu’il traverse une rivière, s’énerva Jondalar, exaspéré par ce
nouveau retard. Il avait espéré parcourir une longue étape aujourd’hui, mais
tout semblait se liguer contre lui.
Ils avaient levé le camp à une heure tardive, ensuite ils
avaient dû pousser vers le nord-ouest, une direction qu’il eût préféré éviter,
et voilà que Loup refusait de traverser l’eau. Il savait aussi qu’ils devraient
s’arrêter pour vérifier le contenu des paniers, bien que leur tissage serré les
rendît quasiment imperméables. Et pour compléter le tableau, il était trempé et
il se faisait tard. Le vent fraîchissait, or ils devraient changer de vêtements
et faire sécher ceux qu’ils portaient. En été, les jours étaient plutôt chauds,
mais la nuit, les vents hurlants apportaient le souffle polaire du glacier.
Partout sur la terre on subissait l’effet du glacier gigantesque qui écrasait
les terres du nord sous des couches de glace hautes comme des montagnes, mais
nulle part autant que dans les steppes froides qui le bordaient.
S’il n’avait pas été si tard, ils auraient voyagé dans leurs
habits trempés. Le vent et le soleil les auraient séchés. Jondalar était
impatient de descendre dans le sud, ne serait-ce que pour allonger leur étape...
si seulement ils pouvaient se remettre en route.
— Le courant est trop rapide, il n’a pas l’habitude,
remarqua Ayla. Il doit d’abord sauter dedans, c’est nouveau pour lui.
— Que vas-tu faire ?
— Si je ne réussis pas à le décider, j’irai le chercher.
— Ayla, je suis sûr que si nous nous mettons en route, il
sautera pour te suivre. Si nous voulons avancer un peu
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