Le grand voyage
ou racines. Ayla
n’eut pas besoin d’entamer ses provisions d’urgence, et put au contraire les
reconstituer. Elle remplaça par exemple les provisions qu’elle avait utilisées
quand ils s’étaient arrêtés quelques jours pour faire sécher la viande du cerf géant
qu’ils avaient tué. Leur visage rayonnait de santé, et de bonheur.
Les chevaux aussi s’étaient régénérés. Ils étaient dans leur
élément, dans leur lourde robe gonflée de la fourrure hivernale, dispos et
fringants. Le loup, nez au vent, retrouvait les senteurs familières enfouies
dans les recoins de sa mémoire instinctive. Il gambadait joyeusement, s’échappait
pour de brèves explorations solitaires, et réapparaissait soudain, en affichant
un air suffisant, à en croire Ayla.
La traversée des cours d’eau ne présentait plus de difficultés.
La plupart coulaient du nord vers le sud, parallèlement à la Grande Rivière
Mère, et ceux qu’ils durent franchir n’étaient pas profonds. Les méandres des
chenaux étaient si nombreux et si larges qu’ils ne savaient jamais s’ils
avaient affaire à un coude de la rivière ou à un des ruisseaux qui dévalaient
des hauteurs. Certains chenaux parallèles se jetaient soudain dans un cours d’eau
qui coulait vers l’ouest avant de se jeter à son tour dans un autre chenal de
la Mère.
Souvent obligés de dévier de leur route à cause des coudes que
formait la rivière, les voyageurs tiraient pleinement profit des chevaux.
Chacune de leurs étapes quotidiennes était si longue qu’ils rattrapèrent le
temps passé chez les Sharamudoï. Jondalar s’en réjouissait.
L’air pur et glacé leur offrait une vue large et claire du
paysage, seulement obscurcie par les brouillards matinaux, lorsque le soleil
réchauffait l’humidité condensée pendant la nuit. A l’est, ils apercevaient les
montagnes qu’ils avaient longées en suivant le grand fleuve à travers les
plaines méridionales brûlantes, et dont ils avaient escaladé l’extrémité
sud-ouest. Les pics capuchonnés de glace scintillante se rapprochaient
sensiblement tandis que la chaîne s’incurvait vers le nord-ouest.
A leur gauche, se déployait la plus haute chaîne de montagnes du
continent avec sa lourde couronne de glace la couvrant jusqu’à mi-flancs. Au
loin les sommets luisaient d’une couleur violacée et évoquaient une présence
vaguement sinistre, comme une barrière insurmontable qui séparait les voyageurs
de leur destination ultime. La Grande Rivière Mère les guiderait le long du
versant septentrional de la gigantesque chaîne, jusqu’à un glacier plus
accessible qui recouvrait un ancien massif arrondi, au nord-est des forêts de
montagne.
Plus bas et plus près, au-delà de la plaine verte que
ponctuaient des futaies de pins, s’élevait un autre massif. De hauts plateaux
granitiques dominaient les prairies et la Mère, et s’enfonçaient vers le nord
en déclinant graduellement pour finir en collines moutonnantes aux contreforts
des montagnes occidentales. Les arbres qui brisaient la platitude du paysage
verdoyant se faisaient de plus en plus rares, et exhibaient les contorsions
familières des arbres nains sculptés par les vents.
Ayla et Jondalar avaient traversé les trois quarts des
immenses plaines centrales, du sud au nord, quand les premières rafales de
neige s’abattirent.
— Regarde, Jondalar ! Il neige ! s’exclama Ayla
avec un sourire radieux. C’est la première neige de l’hiver !
Elle l’avait sentie dans l’air, et se réjouissait de sa venue.
Les premières neiges avaient toujours eu pour elle un caractère spécial.
— Il n’y a pas de quoi s’en réjouir, commença Jondalar.
(Mais la joie d’Ayla était contagieuse et il ne put s’empêcher de sourire à son
tour.) Crois-moi, tu seras bientôt dégoûtée de la neige et de la glace !
— Oui, je sais, mais j’ai toujours aimé la première neige.
Allons-nous camper bientôt ? demanda-t-elle plus loin.
— Nous sommes à peine au milieu du jour, s’étonna Jondalar.
Pourquoi veux-tu t’arrêter si tôt ?
— Je viens de voir des lagopèdes. Ils blanchissent déjà,
mais tant que le sol n’est pas recouvert de neige ils ont du mal à se cacher.
Ensuite, il sera trop tard. Et puis, c’est maintenant qu’ils sont le meilleur.
Surtout si je les prépare comme Creb les aimait. Mais la cuisson est longue, c’est
vrai. Il faut creuser un trou dans le sol, le tapisser de pierres, et y
Weitere Kostenlose Bücher