Le grand voyage
La
plus importante était constituée de femelles accompagnées de leurs petits, et
conduite par une femelle dominante postée devant les autres dans une attitude
agressive. Une bande de mâles se tenait en retrait, et parmi eux Ayla remarqua
soudain le cheval le plus exceptionnel qu’elle eût jamais vu.
La plupart des chevaux étaient d’une couleur proche du louvet de
Whinney. Certains tendaient vers le roux sombre, d’autres vers le marron
jaunâtre. La robe marron foncé de Rapide était déjà inhabituelle, mais Ayla n’avait
encore jamais vu d’étalon comme celui-là : l’animal, dans la pleine
puissance de sa maturité, était d’un blanc immaculé !
Avant de remarquer Whinney, l’étalon blanc avait tenu les autres
mâles à distance, leur signifiant ainsi qu’on les tolérerait s’ils n’approchaient
pas trop des femelles puisqu’on n’était pas à la saison des amours, mais qu’il
était le seul à avoir le droit de s’accoupler. Toutefois, l’apparition soudaine
d’une étrange femelle piqua sa curiosité et attira l’attention des autres
chevaux.
Les chevaux étaient des animaux sociables, aimant la compagnie
des autres chevaux. Les juments surtout tendaient à nouer des relations
durables. Mais contrairement aux autres bandes d’animaux, où les filles
restaient avec leurs mères, les juments se regroupaient hors des liens
parentaux, après avoir quitté leur bande natale en atteignant leur maturité
vers l’âge de deux ans. Leur société était hiérarchisée. Le groupe était
cimenté par les soins mutuels comme la toilette, la criasse aux moucherons.
Poulains, ils se battaient entre eux pour jouer. Mais c’était à
l’âge adulte, vers leur quatrième année, lorsqu’ils rejoignaient les étalons,
que les jeunes mâles commençaient à s’entraîner pour de bon, en prévision du
jour où ils devraient affronter un rival pour obtenir le droit de s’accoupler.
Ils continuaient de s’entraider mais la lutte pour le pouvoir constituait leur
principale activité. D’abord simples poussées, défécations rituelles ensuite
reniflées, les défis s’intensifiaient, surtout pendant la saison du rut :
morsures, coups de sabot dans les genoux, ruades à la tête et à la poitrine. Ce
n’était qu’après plusieurs années passées de la sorte que les mâles parvenaient
à enlever de jeunes femelles, ou à destituer un mâle dominant.
En tant que femelle sans attache qui venait de pénétrer sur leur
territoire, Whinney excitait la curiosité de la bande de femelles comme celle
des mâles célibataires. Ayla n’aimait décidément pas la façon fière et
arrogante de l’étalon, prêt à réclamer son dû.
— Vas-y si tu veux, Loup ! fit-elle en le libérant d’un
signe.
Elle le regarda se mettre en position. Loup croyait avoir
affaire à une bande de Whinney et de Rapide, et il voulait jouer avec eux. Ayla
savait qu’il ne menaçait pas les chevaux. Un loup seul n’attaquerait pas de si
grosses bêtes. En bande, à la rigueur, bien que les loups attaquassent rarement
un animal adulte en bonne santé.
Ayla pressa Whinney de rentrer au campement. La jument hésita,
mais l’habitude d’obéir aux ordres de la jeune femme domina sa curiosité, et
elle se mit lentement au pas, non sans regarder en arrière à plusieurs
reprises. Alors Loup fonça dans la troupe et se régala de folles poursuites.
Ayla vit avec soulagement les chevaux s’égailler. Tant qu’ils ne s’occupaient
plus de Whinney... !
Au camp, tout était prêt. Jondalar venait d’installer les trois
perches pour y suspendre la nourriture hors d’atteinte des rôdeurs que l’odeur
risquait d’attirer. La tente était montée, le trou dans le sol creusé, et
tapissé de cailloux, Jondalar avait même construit un cercle de pierres pour le
feu.
— Tu as vu cette île ? demanda-t-il dès qu’Ayla fut
descendue de cheval.
Il lui montra au milieu de la rivière une langue de terre faite
de limon et plantée de laîches, de roseaux et d’arbres.
— J’ai vu s’y poser toute une compagnie de cigognes, des
blanches, des noires, reprit-il avec un sourire béat. J’aurais voulu que tu
sois là, C’était magnifique. Elles piquaient, remontaient toutes ensemble.
Elles repliaient leurs ailes pour se laisser tomber, et les rouvraient d’un
coup en arrivant au sol. J’ai l’impression qu’elles migrent vers le sud. Elles
partiront sans doute demain matin.
Ayla observa les grands
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