Le grand voyage
marais différente de celle qu’ils avaient connue en aval. Ici, les
sols étaient acides, plus spongieux que marécageux, et recouverts d’une lande
de sphaigne qui formait par endroit des plaques de tourbe. Un jour, ils firent
un feu sur cette tourbe séchée et découvrirent qu’elle brûlait. Le lendemain,
ils en firent provision pour leurs prochains feux.
Parvenus à un large affluent qui se jetait dans la Mère en
formant un vaste delta, ils décidèrent de le suivre à la recherche d’un passage
plus facile. Ils arrivèrent à une fourche où deux rivières convergeaient, et
remontèrent la branche de droite, jusqu’à une nouvelle fourche. Les chevaux
traversèrent aisément la plus petite, et celle du milieu, bien que large, ne
posa pas trop de problèmes. Une lande de sphaigne séparait la branche centrale
de celle de gauche, le sol était spongieux et ils avançaient avec difficulté.
La dernière rivière était profonde, et ils ne purent la
traverser sans se mouiller. Mais arrivés de l’autre côté, ils dérangèrent un
mégacéros couronné d’une énorme ramure palmée et décidèrent de le poursuivre.
Avec ses longues pattes le cerf géant distança aisément les chevaux trapus.
Toutefois, Rapide et Loup l’inquiétèrent sérieusement. Whinney, encombrée par
les perches du travois, ne put les suivre. Mais l’exercice avait mis tout le
monde de bonne humeur.
Jondalar, le visage rougi, la capuche rejetée en arrière, revint
enthousiasmé. Ayla sentit son cœur battre en le voyant. Comme tous les hivers
il laissait pousser sa pâle barbe blonde pour se protéger du froid, et c’était
comme cela qu’il lui plaisait le plus. Il aimait répéter qu’elle était belle,
mais c’était lui qu’elle trouvait beau.
— Il courait trop vite ! s’exclama Jondalar. As-tu vu
ses andouillers ? Deux fois plus hauts que moi !
— Oui, il était superbe, magnifique, mais je suis contente
qu’on l’ait raté. Il était trop gros pour nous. Nous n’aurions su que faire de
tant de viande, et c’eût été honteux de le tuer sans nécessité.
Ils retournèrent jusqu’à la Mère, et bien que leurs habits
eussent un peu séché dans la course, ils ne furent pas fâchés de camper et de
se changer. Ils prirent soin d’étendre leurs vêtements mouillés près du feu.
Les jours suivants, ils reprirent la route de l’ouest, mais la
rivière obliqua bientôt vers le nord-ouest. Au loin, ils distinguaient une
ligne de montagnes imposantes. C’était l’autre extrémité de la grande chaîne de
montagnes qu’ils avaient suivie depuis le début, ou presque. Ils l’avaient d’abord
aperçue à l’ouest, puis ils l’avaient contournée par le sud en longeant la
Grande Mère. Ses pics enneigés les avaient accompagnés à travers la plaine
centrale en décrivant à l’est un large arc de cercle, tandis qu’ils suivaient
le fleuve sinueux. Et maintenant cette ligne qui épousait le cours supérieur de
la Mère en constituait le dernier massif.
Ayla et Jondalar ne rencontrèrent plus aucun affluent avant d’être
presque au pied du massif et ils s’aperçurent qu’ils se trouvaient encore pris
entre deux bras de la Mère. La rivière qui venait de l’est pour rejoindre la
Mère au pied de l’éminence rocheuse était en réalité le bras nord du grand
fleuve. La Mère courait entre le massif montagneux et une haute colline, mais
la plaine alluviale était assez large pour qu’on puisse y chevaucher.
De l’autre côté de la montagne, ils traversèrent un autre
affluent, une rivière provenant d’une vallée qui marquait la séparation entre
les deux massifs montagneux. Les hautes collines, à l’ouest, composaient en
fait les contreforts orientaux de l’énorme chaîne occidentale. Ensuite, la
rivière se partagea encore en trois bras. Ils suivirent la berge extérieure du
bras le plus au nord, et traversèrent les steppes d’un petit bassin,
prolongement de la plaine centrale.
A l’époque où le bassin central était encore une mer immense, la
vallée de steppes herbeuses, la lande, et les terres marécageuses de la plaine
alluviale ainsi que les pâturages du nord, constituaient des bras de mer
gigantesques. La courbe intérieure de la chaîne orientale offrait des lignes de
fragilité dans la croûte terrestre par où s’infiltrèrent les futures éruptions
volcaniques. Les matières projetées, combinées au dépôt de l’ancienne mer et au
lœss, produisirent un sol
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