Le grand voyage
refusait de perdre du temps à sécher la viande et persuada Ayla que la
température était suffisamment froide pour garantir sa conservation. Il n’avait
qu’une hâte : quitter la région. Là où on trouvait un ours, il y en avait
souvent d’autres.
Parvenus en haut d’une crête, ils s’arrêtèrent. Dans l’air vif,
pur et clair, leurs regards se portaient sur un spectacle magnifique. A l’est,
une montagne relativement peu élevée dressait son pic enneigé, et signalait la
chaîne orientale qui encerclait les deux voyageurs. Les montagnes de glaciers,
d’une hauteur raisonnable, culminaient devant eux au nord et leurs crêtes
déchiquetées, blanches avec des reflets bleus, se découpaient sur l’azur
profond du ciel.
Ces montagnes au nord formaient la ceinture extérieure de l’arc.
Ayla et Jondalar se trouvaient au pied de la chaîne de montagnes sur la crête
du massif qui s’étendait au nord de l’ancien bassin formant la plaine centrale.
Le grand glacier, qui avait débordé du nord jusqu’à couvrir un quart du pays et
se terminait par un mur montagneux, était caché par le pic le plus éloigné. A l’est,
on devinait encore les hauts plateaux. La glace qui scintillait au loin
diffusait une pâle lumière vacillante. A l’ouest, une gigantesque chaîne de
montagnes, d’une altitude inégalée, se perdait dans les nuages.
Les montagnes qui les encerclaient étaient superbes, mais c’était
à leurs pieds que la vue coupait le souffle. Dans la gorge profonde, le cours
de la Grande Rivière Mère avait changé de direction, et elle coulait à présent
d’ouest en est. Perchés sur leur promontoire, Ayla et Jondalar admiraient le
fleuve au cours indécis et comprirent qu’ils étaient parvenus, comme lui, à un
tournant.
— Le glacier que nous devons traverser est à l’ouest,
expliqua Jondalar d’une voix lointaine qui reflétait son état d’esprit. Mais
nous suivrons la Mère qui tourne tantôt à droite, tantôt à gauche. Le glacier n’est
pas très haut, et excepté au nord-ouest, il est plat. On dirait une plaine de
glace. Après l’avoir traversé, nous obliquerons légèrement au sud-est, et
ensuite nous irons toujours à l’ouest jusque chez moi.
En franchissant le massif de calcaire et de roche cristalline,
le fleuve, comme hésitant, serpentait en tous sens avant d’opter enfin pour le
sud et la plaine.
— Est-ce la Mère ? demanda Ayla. Ce n’est pas
seulement un de ses bras ?
— Non, c’est bien elle. Elle est encore large, mais moins
qu’avant, évidemment.
— C’était donc elle que nous longions ? Je l’avais
toujours vue tellement grosse. Je croyais que nous suivions un de ses
affluents. Nous avons déjà traversé des rivières bien plus grandes, déclara
Ayla avec une pointe de déception.
— N’oublie pas que nous sommes en hauteur. Elle est plus
grosse que tu ne le crois. Il nous reste d’autres larges affluents à traverser
et la Mère se divisera encore de temps à autre, mais elle diminuera de plus en
plus, c’est un fait. (Il scruta l’ouest en silence.) Nous voici à peine au
début de l’hiver, reprit-il. Nous avons largement le temps d’atteindre le
glacier... A condition que rien ne vienne nous retarder.
Les voyageurs tournèrent à l’ouest. Ils continuèrent de
grimper jusqu’à atteindre une corniche d’où ils voyaient le sud du coude. A l’ouest,
la pente était abrupte et ils remontèrent plus au nord pour trouver un chemin
moins pentu. Ils descendirent à travers des broussailles éparses jusqu’à un
affluent qui contournait la montagne, et ils cherchèrent un gué. Sur l’autre rive,
ils trouvèrent un relief vallonné, et ils longèrent l’affluent jusqu’à ce qu’il
rejoigne la Grande Mère. De là, ils se dirigèrent vers l’ouest.
Peu d’affluents avaient grossi la Mère dans la plaine centrale,
mais ils arrivaient dans une région où cours d’eau et torrents dévalaient les
montagnes du nord pour apporter leur offrande à La Grande Mère des Rivières.
Plus tard dans la journée, ils durent franchir un autre affluent assez large et
se trempèrent jusqu’aux cuisses. L’été était terminé, La température descendait
en-dessous de zéro pendant la nuit, et on ne se mouillait plus avec plaisir.
Frigorifiés, ils décidèrent de camper sur place pour se réchauffer et faire
sécher leurs vêtements.
Ils continuèrent plein ouest et débouchèrent sur une plaine alluviale,
une zone de
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