Le grand voyage
Madenia ?
Madenia eut un geste de recul, comme si la tunique lui avait
brûlé les mains.
— Oh, je ne peux pas ! protesta-t-elle. On t’en a fait
cadeau.
— Nous sommes trop chargés, et je crois que Roshario aurait
voulu que tu l’acceptes. Il te plaît tellement. C’est un habit d’apparat pour la
Cérémonie de l’Union, mais j’en ai déjà un.
— Tu es sûre ? demanda Madenia, incrédule.
Ayla s’amusa de voir Madenia les yeux brillants, en extase
devant la merveilleuse tunique.
— Mais oui, prends-la ! tu la mettras pour ta
Cérémonie de l’Union, si tu le veux. Tu la porteras en pensant à moi.
— Je n’ai pas besoin de cadeau pour ça, protesta Madenia,
au bord des larmes. Je ne t’oublierai jamais. Grâce à toi, j’aurai peut-être
droit un jour à une Cérémonie de l’Union. Dans ce cas, je porterai ce vêtement,
je te le promets.
Elle avait hâte de le montrer à sa mère, à ses amis et aux
autres femmes-filles de la Réunion d’Été.
Ayla ne regrettait pas son cadeau.
— Tu veux voir ma tenue pour l’Union ? demanda-t-elle.
— Oh oui !
Ayla sortit la tunique en ocre jaune, la couleur de ses cheveux,
que Nezzie avait faite quand Ayla devait s’unir à Ranec. Enveloppés dans la
tunique, se trouvaient un cheval sculpté et deux morceaux d’ambre couleur de
miel. Madenia n’en croyait pas ses yeux, deux ensembles aussi beaux et si différents !
Elle n’osa pas manifester son admiration de peur qu’Ayla se sente obligée de
lui offrir aussi celui-ci.
Ayla l’examina d’un air indécis. Non, décida-t-elle, pas
question de la laisser, c’est ma tunique. Je la porterai le jour de mon Union
avec Jondalar. D’une certaine manière, cette tunique conservait une partie de
Ranec. Elle joua machinalement avec le petit cheval taillé dans une défense de
mammouth, et pensa à Ranec en se demandant ce qu’il était devenu. Personne ne l’avait
aimée autant que lui, et elle ne l’oublierait jamais. Elle aurait pu s’unir et
vivre heureuse avec lui, si elle n’avait tant aimé Jondalar.
Madenia essaya de réfréner sa curiosité, mais n’y tint plus.
— Ces pierres, qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.
— C’est de l’ambre. La Femme Qui Ordonne au Camp du Lion me
les a données.
— Et ça, c’est une sculpture de ton cheval ?
— Oui, elle représente Whinney, avoua Ayla en souriant. L’homme
qui l’a faite avait des yeux rieurs et une peau de la couleur de la robe de
Rapide. Même Jondalar admettait qu’il n’avait jamais connu meilleur sculpteur.
— Un homme à la peau sombre ?
Ayla ne pouvait blâmer Madenia d’être incrédule.
— Oui, il avait la peau sombre. C’était un Mamutoï et il s’appelait
Ranec. La première fois que je l’ai vu, je ne pouvais pas le quitter des yeux.
C’était très impoli. On m’a dit que sa mère avait la peau aussi brune que...
que cette pierre qui brûle. Elle vivait loin au sud, de l’autre côté de la
grande mer. Wymez, un autre Mamutoï, avait entrepris un long Voyage. Il s’était
uni avec elle et un fils était né dans son foyer. La mère est, morte sur le
chemin du retour, et il a ramené le garçon. Sa sœur l’a élevé.
Madenia frémit d’excitation. Elle avait toujours cru qu’il n’y
avait que des montagnes au sud, des montagnes qui n’en finissaient jamais. Mais
Ayla avait tant voyagé et connaissait tant de choses ! Elle se mit à rêver
au grand Voyage qu’elle entreprendrait un jour, comme Ayla. Elle rencontrerait
un homme à la peau brune qui lui taillerait un superbe cheval en ivoire, tout
le monde lui offrirait des habits, elle rencontrerait aussi des chevaux qu’elle
monterait, et un loup qui aimerait les enfants. Et un homme comme Jondalar qui
monterait aussi sur le dos des chevaux et l’accompagnerait dans son long
Voyage.
Elle n’avait jamais connu quelqu’un comme Ayla et l’idolâtrait.
La belle jeune femme menait une existence qu’elle enviait et elle souhaitait
lui ressembler un jour. Ayla avait un drôle d’accent qui la rendait encore plus
mystérieuse, et jeune fille, elle avait subi une violence identique à la
sienne. Un homme l’avait prise de force mais elle s’en était remise et
comprenait ce que Madenia ressentait. Elle s’imagina adulte, sage et
responsable comme Ayla, consolant une jeune fille qu’on venait d’attaquer
sauvagement, lui racontant sa propre expérience et l’aidant à oublier.
Tout en rêvant,
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