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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Pétronille ? Quel sang lui échauffe les veines ?… Pas celui des Saint-Rémy ! »
    Il n’osa heurter la cuirasse milanaise par respect pour Pedro del Valle. Il hésita, ensuite, à engager sa lame d’un côté ou de l’autre de son antagoniste, sous l’aisselle, là où elle se découvrait fréquemment et où le fer roide ripait les mailles au gré du mouvement des épaules. Il était trop asotté de Tancrède pour qu’elle reçût la punition dont l’envie le démangeait, voire la saignée qui l’eût dissuadée de se prendre pour un prud’homme.
    — Ah ! dit-il, tu faiblis. Cessons : il est grand temps.
    La hargne l’épuisait quoi qu’elle fît. La méchanceté refluait en elle. En s’appesantissant dans ses mains et ses bras déjà lourds de fer, son arme remuait et tintait moins fort. Le métal dont elle était vêtue pesait soudain bon poids. D’un taillant bien assené sur la garde de l’épée, Ogier fit comprendre à cette forcenée qu’il pouvait l’en déposséder. Elle la lui tendit par la prise :
    — Restons-en là, cousin.
    Elle remonta sa visière. En ôtant sa défense de tête, elle eût pu dégager tout entier son visage et se sentir à l’aise. Eh bien, non, elle la conservait. Elle était rouge ; des gouttes mouillaient ses sourcils ; elle souriait et cillait des paupières. Le vert de ses prunelles, presque noir, étincelait avec une violence qui, elle, ne s’était point altérée.
    — Tiens, cousine.
    Elle remit lentement son épée au fourreau.
    — Quelque plaisants qu’ils te paraissent, ces déduits-là [93] ne sont pas pour toi.
    — Je ne vois pas pourquoi la guerre serait une affaire d’hommes. As-tu vu des commères se battre au lavoir ?… Elles sont aussi ardentes que vous tous… Et je crois que pour obtenir des aveux, elles seraient plus malicieuses.
    — Il se peut. Mais, cousine, une femme se doit d’être un exemple de douceur… Il n’y a pas d’amour à l’ombre des épées.
    — La douceur !
    Elle enleva son bassinet, passa ses doigts de fer dans sa chevelure de mailles tout en regardant Ogier de cette façon froide et rêveuse où, invariablement, il se sentait jugé, sans pouvoir deviner quelle était la sentence.
    — Viens, cousin.
    — Où ?
    — Tu le verras bien… Je ne puis me dévêtir seule… Tu m’aideras. Éteins les torches.
    — Qui t’aide à te vêtir ?… Blanquefort ?
    Elle rit, et sans se retourner :
    — Certes non !… Tu ne devineras jamais.
    Ils s’engagèrent dans l’escalier, parvinrent au niveau de la grand-salle et continuèrent leur ascension. Sans avoir rencontré quiconque, ils s’arrêtèrent devant la chambre de Claresme et de Tancrède.
    — Sais-tu, cousine, à quel nouveau péril tu t’exposes ?
    Ogier sentait son cœur s’affoler.
    — On ne craint rien dans ce fer, cousin. Tu devrais le savoir.
    — Ce que je sais, c’est que Pedro se montre envers toi d’une complaisance singulière. Cette armure, il y tient.
    — Il tient davantage à Claresme… et sait que je peux plaider sa cause auprès de Guillaume.
    Toujours ce Guillaume qu’elle permutait avec père.
    —  Entrons, dit-elle, la chambre est vide. Claresme aide Mathilde aux cuisines.
    Elle tira le verrou ; Ogier la suivit ; elle repoussa la porte :
    — Cette armure, il suffit, pour le moment, qu’il me la prête… Je veux sortir du Périgord… Cheminer, galoper par monts et prairies… Je ne pourrai jamais, comme ma sœur, aller chaque jour de la chambre aux cuisines, ensuite à la chapelle, puis broder ou filer dans l’attente de me mettre au lit pour y subir les vouloirs d’un époux ! Et, plus tard, aller du lit au berceau… Je ne porterai point un enfant dans mon ventre !
    — Qu’en sais-tu ?
    — Ma mère en est morte… Ah ! vois-tu, cousin, vivre, c’est randonner… C’est se battre comme les épouses de Montfort et de Clisson… Je les rejoindrai.
    — Laisse donc ces bestiasses !… Bonnes ou mauvaises, elles ont des raisons de combattre. Pas toi.
    Tête basse, le damoiseau foula les dalles jonchées de paille. Le lit était fait, ses courtines à demi tendues entre les colonnes. La fenêtre à l’ogive lancéolée contournait un morceau de ciel nuageux. Dans ce cube de pierre au plafond strié de poutres serrées, jaunissantes, Anne avait vécu de longs instants en compagnie de Claresme et de Margot Champartel. Tout était changé : Anne partie et Tancrède arrivée…
    Elle

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