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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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changer : je sue, là-dedans.
    Il ne put qu’obéir.
    Elle allait se mettre nue exprès  : la réponse qu’il venait de lui faire l’avait plongée dans une exaltation pareille à celle qui le bouleversait.
    Il entrouvrit ses paupières. Devant lui, une statue de chair apparut peu à peu, svelte et rosée sur la corolle grise des vêtements épars… Reins creux et croupe haute, hanches étroites et cependant renflées. La colonne ivoirine des vertèbres oscillait au-dessus du val ombreux où elle s’enracinait, et la lumière ruisselait sur ce corps que la tentatrice parcourait de ses mains, comme elle l’eût fait pour se rafraîchir sous quelque ondée.
    Se lever ? C’eût été rompre le charme…
    Prudemment, elle se détourna pour vérifier s’il ne trichait pas et se précipita vers le coffre d’où elle tira une chemise, puis une robe.
    Bras levés… La chemise glissa. S’arrêta sur le bombé des hanches, puis ruissela jusqu’aux chevilles.
    — Tu peux me regarder.
    Il distingua son corps sous l’étoffe crémeuse. Rester coi s’imposait. Attendre valait mieux que le moindre des gestes. Elle souriait. Il y avait quelque chose de trouble, de dédaigneux dans le pli serré de ses lèvres. Ce ne serait toujours qu’une rebelle. Prête à toutes les soumissions dans les moments où sa sensualité aurait à s’épancher, imprenable et hautaine quand elle serait repue et que son repentir d’avoir cédé à ses propres emportements la tenaillerait comme un fer de torture.
    — Non, dit-il dans un souffle.
    Mais il était trop tard : elle avait brusquement passé sa robe.
    — J’ai froid, cousin… Toi, le désir t’échauffe.
    Sa voix avait une crudité, une insolence inconnues, et pourtant son corps, sa démarche n’étaient que douceur. Tout en nouant à sa taille une ceinture de corde, elle s’approcha, éblouissante dans cette robe d’écarlate amarante [95] qui semblait ensanglanter la jonchée d’or végétal à ses pieds.
    — Pas vrai, que le désir t’échauffe ?
    Il avait encore le cœur secoué par la beauté de cette nudité apparue d’un seul côté, hélas ! entre ses cils tremblants. Il demeurait comme hébété par cette magnificence à demi révélée, si formidablement attirante, pourtant, qu’il devait se cramponner aux couvertures pour ne pas bondir, enserrer la diablesse dans ses bras et la presser contre son corps, même armé de fer.
    « Qui sait ? se dit-il, indécis, cette violence lui conviendrait peut-être ! »
    — Alors, cousin, as-tu avalé ta langue ?
    Il feignit de ne pas comprendre que, sachant qu’il avait enfreint ses vœux, elle attendait un compliment sur sa nudité même.
    — Didier ne m’a pas souillée tout à fait : pas le temps de m’engrosser… Tu m’as sauvée à temps.
    — Tu m’en vois satisfait.
    — Même mort et rôti par les gueux de Canole, je le hais toujours autant.
    À nouveau la haine… Elle lui avait dit : « Je t’en haïrais presque ! » Et de quoi ? De sa curiosité ? De sa virilité ? Il haussa les épaules. Il n’avait rien à lui répondre. Cette chair pure – du moins en surface, car rien n’est pire que ce qui vit, palpite, sécrète sous cette mince écorce qui saigne quelquefois sans la moindre coupure –, cette chair bafouée, pénétrée par Didier ! Comme son orgueil devait souffrir !
    Il était toujours assis et jamais il ne s’était senti aussi contraint par son armure. Que dire ? Il y avait pour lors entre eux, dans ce qui pouvait être les prémices de quelque chose d’exaltant, une espèce de connivence. Ils s’observaient, se jaugeaient, mais non plus en antagonistes. Peut-être, après tout, n’était-ce pas « Aimons-nous » qu’ils devaient se dire, mais « Aidons-nous ».
    Tancrède se laissa tomber sur les genoux de fer, comme fauchée par une fatigue, un étourdissement.
    — Touche ma jambe… Touche-moi, chuchota-t-elle.
    Il ne lui connaissait pas cette suavité mélangée d’exigence. Il tressaillit, car elle languotait son oreille dont elle mordilla le lobe en soupirant :
    — Tu aimes ?… Crois-tu que je le ferais à un autre que toi ?
    Elle avait un don particulier pour poser des questions irritantes.
    — Est-ce défendu ? insista-t-elle d’une voix à nouveau changée, adoucie plus encore, et les yeux mi-clos. Non, ce n’est pas interdit, cousin, puisque je t’aime bien… Depuis le jour où tu es arrivé en ces murs, je t’ai trouvé

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