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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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différent des autres gars d’ici… Tu te rappelles ?
    Elle était déjà impétueuse, mystérieuse, autoritaire. Et maintenant, même amollie d’une fausse fatigue, son audace paraissait sournoise, affectée. Plus tard – si toutefois elle lui cédait – n’allait-elle pas s’outrager d’une défaillance qui l’aurait abaissée au niveau de ses chambrières ?
    Elle se leva brusquement :
    — Ferme les yeux… Non, ne me serre pas… Laisse-moi faire.
    — Toi, alors !
    Mais il avait clos ses paupières. Le souffle haletant de Tancrède rafraîchit son visage. Il soupira, se demandant ce qu’elle allait imaginer.
    Il sentit une main nerveuse saisir sa dextre, prendre son médius et le diriger. Il toucha une peau fine, douce et tiède, des frisons, une bossette de chair fluide, tiède, onctueuse ; des plis contre lesquels elle le contraignait à s’attarder.
    — Ah ! non, le prévint-elle. Les yeux clos ou je cesse !
    Son majeur pénétra sous une arche tremblante.
    Elle serrait son poignet, à présent, lui interdisant tout recul. De petits muscles tressaillaient autour du doigt, vibrants anneaux, contours et boursouflures, et tout cela palpitait de sève incendiée.
    — Tu vois, je ne suis plus vierge… Tu comprends donc que je puis te céder quand tu voudras si tu jures de m’emmener.
    — Et si je jure maintenant ?
    — Non. Tu voudrais tout obtenir sans détri [96] … Ma confiance en toi n’est pas si ferme que lui.
    Elle fit aller et venir le médius, lente, appliquée, soupirante, chuchotant parfois : « Ah ! cousin… » Son souffle allait et venait, lui aussi, de soupir en soupir, et Ogier, irrité de n’être que le complément servile d’une lubie où déjà il se savait perdant, quelque plaisir qu’il y trouvât, se sentit de plus en plus rejeté hors de cette attente où frémissait et se complaisait l’effrontée.
    — Continue seul.
    Il continua, le cœur fou, la rage en tête : elle le privait de toute initiative ! Elle faisait de lui… un eunuque !… Elle caressait ses cheveux ; elle répandait des viscosités chaudes et, sur son oreille humide de salive, son haleine si frénétiquement haletante qu’elle semblait fournir, immobile, une course imaginaire. Elle bredouillait des mots rauques ou plaintifs, d’où surgissait parfois : « Ferme les yeux », suppliante injonction qu’il n’osait transgresser, et toujours impérieux, cet « encore » qui l’accablait de honte, mais lui donnait envie d’ajouter l’index au médius, l’annulaire même et pourquoi pas ? – si c’eût été possible – la main tout entière dans cette brèche au tréfonds palpitant.
    Plus tard (il y aurait un plus tard, il ne pouvait en aller autrement, désormais), plus tard (il fallait qu’il en fut convaincu), il prendrait sa revanche. Il lui demanderait…
    Tancrède se pencha vers lui. Elle couvrit sa bouche de baisers brefs et rageurs, puis se mit à gémir contre ses lèvres, à demi courbée, jambes tremblantes, et parut s’affaisser en repoussant la main comme un objet infâme.
    — Ah ! cousin… cousin…
    — Et moi ? dit-il, ouvrant ses paupières, penaud et grave, comme si l’acte auquel il avait consenti le condamnait dans l’esprit de cette fille impossible.
    — Tu m’en veux ?
    — Je te veux !
    Elle était pâle. Des lueurs stagnaient dans ses yeux, exprimant une félicité dont il fut indigné :
    — Cousine, chacun son tour.
    Il se leva, résolu. Elle recula.
    — Tu ne sais pas ce que tu veux, lui reprocha-t-il, furieux et humilié par cette retraite. Aide-moi à me dévêtir… À chacun son tour, te dis-je.
    — Si, je sais ce que je veux… Sans quoi, nous nous serions quittés dans la cave… Je serai tienne une fois hors de ces murailles… Je ferai alors tout ce que tu voudras… Je serai ta ribaude !… Pour m’avoir maintenant, il te faudrait quitter cette armure. Seul, tu n’y parviendras pas… Je me refuse à te venir en aide !… Résigne-toi… D’ailleurs, d’autres à ta place m’auraient eu de la gratitude !
    Il eut envie de la gifler, de détruire ainsi, d’un coup et pour toujours, ce besoin urticant de jouir d’elle, que son caprice inattendu, aujourd’hui, avait exacerbé jusqu’à des limites insoupçonnées.
    — Emmène-moi, cousin… Jure-moi que tu m’emmèneras !… Je te quitterai vers Poitiers.
    — Tu y retrouveras Passac ou quelque autre dévoyé de son genre… Ah ! méfie-toi,

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