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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vieillard se tourna vers Arnaud Clergue, spectateur attentif de ces retrouvailles :
    — Trois des nôtres occis… sur huit : c’est payer cher.
    Le chapelain éleva ses mains jointes jusqu’à son front.
    — Et leurs corps, hélas, sont demeurés de l’autre côté.
    — Vous direz une messe à leur intention. De plus, avant l’aube, nous accrocherons tous nos écus aux créneaux en signe de victoire… Allons, allons, mon neveu… Qu’attends-tu pour te libérer de cette pucelle ? Elle ne comprend pas qu’elle te gêne.
    Non sans mal, Ogier dénoua les bras de Tancrède. Il remit son épée au fourreau.
    — Cette nuit, tu as gagné tes éperons !
    — Les éperons, mon oncle… Vous savez bien…
    D’un geste indigné, Guillaume repoussa les objections que le garçon, dégrisé, s’apprêtait à formuler.
    — Tu seras armé chevalier dès que la ribaudaille qui nous entoure sera partie, soit d’elle-même, soit sous les coups de ceux que Bressolles nous amènera.
    — Il serait temps qu’il arrive, grogna le chapelain. Pas vrai, messire Lordat ?
    L’architecte, morose, haussa les épaules. La réussite de sa mixtion, sa réussite, paraissait le contrister.
    — Quand je pense au pouvoir terrifiant de cette poudre… Je m’en doutais et ne voulais y croire… On aurait dit qu’un torrent de feu éclatait sous ce beffroi.
    — Allons, dit Guillaume, trêve de parlures. Jean, tu t’es bien conduit… Tu quitteras ta condition… Désormais, te voilà écuyer.
    Le vilain s’agenouilla et baisa la main du baron :
    — Monseigneur, c’est si grande joie pour moi…
    — Ne dis rien… Tu es jeune et entreprenant… Par ma foi, je sais reconnaître tes mérites !
    Ogier et Blanquefort échangèrent un regard.
    — Et Champartel, mon oncle ?
    — Laisse-moi à mes idées !… Quel âge as-tu, Thierry ?
    — Vingt ans à la Saint-Sylvestre.
    — Aimerais-tu cheminer plus loin que Pierregord [128]  ?
    — Certes, monseigneur, mais…
    — Te plairait-il de forger des armures ?
    — Certes, monseigneur, mais…
    — Eh bien, Thierry, Massoutier, que j’ai fort peu vu sur nos parois du fait qu’il préparait nos sagettes, Massoutier te remplacera à la forge avec Gauthier, ton neveu… Tu partiras avec nos trois loyaux compagnons et Claresme jusqu’en Castille, car avant de prendre part à votre appertise [129] Pedro del Valle m’a demandé la main de mon ainsnée… Je la lui avais accordée… Il en est revenu : elle est sienne…
    « Où est-elle en ce moment ? se demanda Ogier. Guillaume a dit oui, pensant que Pedro ne reviendrait pas… Mais, beau joueur, il s’incline… Quant à Thierry, le moins qu’on puisse dire est qu’il est consterné… En vérité, mon oncle fournit un compagnon valeureux aux Tolédans pour protéger Claresme au cours d’un reze [130] long et périlleux. »
    Il s’approcha du forgeron et, baissant la voix :
    — Si ça te déplaît, je le lui dirai !… Moi, j’ai une proposition à te faire : Guillaume veut m’armer chevalier et je ne puis lui refuser ce plaisir… Je vais avoir besoin d’un écuyer… Si tu veux partager ma vie, mes joies et sans doute aussi mes misères, je te prends !
    Thierry eut un sourire mince, mais soulagé :
    — Et comment que je veux, messire !
    Tancrède s’était éloignée. Arnaud Clergue marchait vers la chapelle. Devant son seuil, Ogier aperçut des formes blanches : les morts sur lesquels on avait étendu des draps. Sicart de Lordat, mains jointes, semblait prier. Pedro del Valle, entouré de Blasco et de Martinez, se hâtait vers le donjon. Sur le perron, un fantôme bougeait : Claresme.
    Le damoiseau frôla des gens : hommes, femmes, jouvenceaux, combattants ou non. Il y avait là Margot et Aliénor. Plus loin, Clotilde, devant la Pâquerette. Elles souriaient, soulagées.
    — Tout est bien, en vérité, dit Guillaume. Je vais voir comment ce maudit beffroi se comporte. Il doit être moins insolent qu’à la tombée du jour. Viens, Hugues.
    — Ne vous réjouissez pas trop, dit Blanquefort. Canole, c’est le seigneur de la mort. Nous nous sommes vengés de lui. À son tour, il va se venger de nous !
    — Le croyez-vous vraiment, Hugues ? N’est-il pas assouvi comme nous le sommes ?
    — Non, Ogier, affirma le sénéchal d’une voix désolée. Dussé-je amoindrir votre plaisir de l’avoir humilié, Canole n’est pas repu… En ce moment, il est furieux… Un léopard,

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