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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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jarres montait des rives de l’Isle pour remplir les abreuvoirs de bois et de métal. Des feux s’allumaient : la soupe matinale. Un répit, peut-être le dernier.
    — Alors, vais-je te voir, baron ? questionna Knolles, irrité.
    — Montrez-vous, mon oncle !
    — Me voici, annonça Guillaume. Plutôt que de répandre des sornes qui ne sauraient m’atteindre, ne crois-tu pas, coquin plus baratière qu’une femme, que tu devrais guerpir sans tarder ?
    Par l’embrasure d’une archère, Ogier vit le héraut d’armes répéter à Knolles quelques mots indistincts. Le baron avait eu le temps de reprendre haleine ; il lança :
    — Ces parois que tu veux conquérir sont solides ; ta perrière a fait comme tes pétaux : elle a échoué… Et mes hommes sauront encore les bien protéger !
    —  Shut up ! Shut up !
    Knolles était si furieux que, tirant les rênes un peu fort, son destrier fit un écart, se cabra et faillit le désarçonner.
    — Je sais que tes parois sont épaisses et tes gens d’une hardiesse qu’il me plaît à louer… Mais avant de poursuivre cette collation et d’y supporter tes gabois, j’ai quelque chose… ou plutôt quelqu’un à te montrer… Regarde !
    Le marteau d’armes scintilla sur un geste après lequel s’ouvrit un rang de picquenaires. Au milieu des suivants, nu jusqu’à la ceinture, échevelé, sanglant, Haguenier apparut.
    Ils avaient enveloppé son bras droit, son épaule et son abdomen ; cependant, il suffisait de voir à quel point ces linges étaient tachés pour concevoir la grièveté des blessures. L’écuyer avait un visage tavelé de rouge, boursouflé, méconnaissable.
    « Coups de gantelets, songea Ogier, frémissant. Et ils l’ont tourmenté ! »
    Il se tourna vers Guillaume :
    — Il faut le sauver.
    — Comment ? demanda le baron entre ses dents.
    Tranchelion, qui, jusque-là, s’était tenu auprès du cheval d’Enguerrand de Briatexte, s’approcha de l’écuyer. Il le maintint debout, d’une main serrée sur son bras valide. La tête d’Haguenier, pâmé, dodinait.
    — Ils l’ont brisé à mort.
    Arnaud Clergue venait de lancer un regard dans une archère, et maintenant il priait, agenouillé.
    — Les linfars !
    De rage, le damoiseau cracha le plus loin possible au-delà du créneau. Son cœur, ses tripes brûlaient. Eût-il vu un arc, une arbalète à sa portée qu’il se fut réjoui d’exécuter Canole.
    — Alors, vieillard fumeux ? Tu me bourdes [133] sur ces parois que je peux mestrier ce samedi même, si l’envie m’en prend… Ne penses-tu pas que notre discorde doit changer de tournure ? Laisse-moi entrer : nous parlerons… À moins que tu veuilles voir de là-haut ce chapon écartelé par mes mules.
    — Crois-tu, naïf truand, que je vais t’ouvrir ma forteresse pour reprendre cet écuyer que tes bourreaux ont martyrisé et conduit, je le vois d’ici, sur le seuil du Paradis ?
    Robert Knolles hocha gravement la tête, lança sur Haguenier un regard méprisant, puis leva le menton en direction de Guillaume, lequel gardait une immobilité hautaine.
    — Soit, baron, je te concède que ton écuyer est en mauvais état… Que veux-tu, je dormais : je ne pouvais surveiller mes hommes, lesquels voulaient à toute force apprendre où débouchait ton souterrain… Car vous êtes venus à nous du fond du sol !
    — Dieu te voit, Canole, te juge et te condamne !
    — Sois sans crainte, baron : ton bachelier n’a pas parlé. Mes boys ont insisté pour lui délier la langue… Il a tout subi sans défaute [134] . Et il reste vivant, crois-moi !
    Sur un signe, Tranchelion assena un coup de poing sur l’épaule sanglante. Haguenier hurla : une longue plainte lugubre, comme les chiens la nuit en émettent, lorsqu’ils sont tristes ou qu’ils ont peur.
    — Seigneur, gémit Ogier, lui ont-ils arraché la langue ?
    Furieux, effrayé, le baron avait reculé d’un pas ; ne le voyant plus, Knolles insista :
    —  Show yourself then [135]  ! Es-tu couard à ce point, baron ?
    Ogier cru bon d’intervenir, sa patience et son indignation ayant atteint leurs limites. Tout en regardant ces guerriers qui, d’où il était, semblaient singulièrement petits, il hurla :
    — Par la mort de Dieu, Canole, nous ne sommes pas accoutumés à de telles bestialités. Dis à ton grand Turc de lâcher notre écuyer !
    — Si Tranchelion le lâche, il tombe !… Le veux-tu ?
    Et le routier, se tournant

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