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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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coups. Sa pensée se limitait à cette constatation sommaire : «  Un de moins  », et il souriait. Quand Roupérious bascula sans un cri, la poitrine percée d’une dondaine, il rapprocha de lui le carquois du défunt. Vingt sagettes, peut-être davantage. Il allait se régaler !
    Jamais il n’avait éprouvé cette sorte de fébrilité meurtrière. Cette félicité, ce bonheur d’être en vie et de l’ôter aux autres. Pas même devant Didier en présence de Tancrède. Il bandait son arme si ardemment qu’il en gémissait. Parfois sa paume l’élançait à travers son linge protecteur mais qu’importait ! Ses mains poisseuses de sueur glissaient tellement sur la poignée de l’arc et l’empenne de la flèche qu’il fut contraint de cesser de tirer pour les frotter contre sa poitrine où son cœur semblait éclater.
    Ce fut alors que des cris retentirent :
    — Le feu !… Le feu !
    — Et la malevoisine !
    Ces voix, c’étaient celles d’Aliénor et de Margot.
    Abandonnant arc et carquois, Ogier se dressa, sentit le frissement d’une sagette ou d’un carreau à son oreille, heurta Renaud (« Tiens, que fait-il là ? ») et accéda au chemin de ronde.
    — Bon Dieu, dit-il à Girard, cette perrière !… J’étais trop occupé pour voir qu’ils la manœuvraient.
    — Ces malandrins ne nous accordent aucune trêve.
    Avec des brondissements de toupies et des feulements de fauves, les pierres et les chaudrons de feu grégeois tombaient irrégulièrement dans l’enceinte. L’étable avait sa façade presque écroulée. Les bœufs et les vaches, à l’intérieur, mugissaient plaintivement, et les chevaux, dans l’écurie, hennissaient de terreur, bien que ce bâtiment eût été épargné. Le logis des maçons brûlait : un rocher avait atteint sa toiture, écrasé les lauzes, les bardeaux et mis à nu les chevrons. Le feu ne cessait d’y propager ses chenilles rouges et crépitantes.
    — Regardez, messire !
    Les vieillards, les enfants et les femmes que le sergent avait éliminés, aidés par les servantes – Guiraude, Bertine, Jeanne, Perrine et Mathilde et ses filles : Isaure, Ameline et Noëlie –, délivraient les animaux effrayés. Il y avait là, ruant, les genets et les mules des Tolédans et du hameau ; les moutons – une vingtaine – bêlant ; puis les bœufs et les vaches. Tous furent tirés ou poussés jusqu’au donjon, dont ils franchirent le pont pour s’arrêter sans doute au seuil du tinel, indécis, affolés, frémissants et gémissant de plus belle.
    — Bertine, Jeanne et Perrine les font entrer à coups de bâton, messire.
    — Elles ont raison… Même si Guillaume les semonce ce soir ou demain, il vaut mieux abriter nos bestiaux que de les voir périr ou fuir en tous sens.
    — Rien n’effraie notre commère, dit Blanquefort, en s’approchant. Voyez : elle croit pouvoir éteindre toutes ces flammes.
    Mathilde, en courant, commandait au commun, et une haie se formait : quinze ou vingt personnes – hommes, femmes, enfants – : quatre anciens venaient d’ouvrir la bonde de la citerne et y puisaient de l’eau avec des tonnelets accrochés à des cordes. Ils les vidaient dans des seaux, lesquels, passant de main en main, atteignaient Isaure et Noëlie.
    Blanquefort eut un soupir bruyant et compassé :
    — Elles n’ont ni assez de force ni assez de vélocité pour noyer tout ce feu. Et de toute manière, ils sont trop peu nombreux. Nous pouvons dire adieu à cette maisonnelle.
    Le bâtiment réservé aux maçons était bas, tout en longueur. Soufflant au ciel des bouillonnements noirs, les flammes en dévoraient maintenant la charpente. Le faîtage craqua, grinça, et soudain dans un plouf criblé de crépitements, s’affaissa, éparpillant des brandons. Et tel était le poids de la toiture que cette masse compacte, en croulant, parut étouffer l’embrasement.
    Mais des braises avaient dû toucher des paillasses, des chaises, des bancs. La bataille engagée contre ce nouveau fléau sembla près d’être perdue quand Mathilde, ne recevant aucun seau, courut au réservoir et, repoussant les vieillards, se pencha au-dessus de son ouverture.
    Elle eut un geste désolé, appela quelqu’un. Philippe apparut sous le porche de l’écurie.
    — Il devrait être avec nous, celui-là, dit Girard.
    — Eh oui, dit Ogier. Mais il est son gars.
    — Je ne sais pourquoi, mais je pense aux armuriers, messire.
    — Ne t’inquiète pas. Tu les

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