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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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leurs craquements. Comme, derrière Girard, l’architecte et le sénéchal apparaissaient, l’un et l’autre maussades, le baron les interpella :
    — Que préparent-ils selon vous ?
    Sicart de Lordat plissa les yeux en direction des bûcherons.
    — Il me semble, dit-il, que…
    Blanquefort devança la réponse du maître d’œuvre :
    — Une machine plus puissante que celles dont ils disposent.
    — Mais de quel genre, Hugues ? Une perrière plus grosse ? Un mangonneau ou un ribaudequin ?… Si c’est cela, où pourront-ils assembler toutes ces membrures ?… La motte où nous sommes est bien trop abrupte !
    — Où veut aller l’homme, il va. Il nous faut attendre.
    Guillaume, poings aux hanches, parut voir l’architecte pour la première fois de sa vie.
    — Pour un coup que vous venez sur ces parois qui sont aussi les vôtres, c’est tout ce que vous trouvez à dire ?
    Il semblait excédé, prêt à craquer d’indécision plus encore que de lassitude. Ogier fut tenté de le plaindre. Très vite il rejeta cet attendrissement : ce vieillard possédait encore assez d’énergie pour combattre à outrance. Il avait été plein de morgue ? Maintenant, il y avait place en son cœur pour des sentiments jusqu’alors interdits, et pourtant aussi dignes d’estime que sa vaillance et son allégeance à Philippe VI : l’amour de son prochain quel qu’en fut le rang ; l’admiration pour le courage de tous ses serviteurs et le respect de leur dignité. Il s’affligeait de chaque perte nouvelle comme d’un deuil de famille. De plus, quelque accoutumé qu’il fut à la défaite, il refusait d’être vaincu chez lui. Les déroutes dans lesquelles il s’était trouvé engagé, malgré qu’il se fût bien battu avant qu’elles ne survinssent, étaient celles du roi, pas les siennes. Une victoire sur ses terres étant impossible, il souhaitait, sans toutefois l’avouer, que Knolles, las des sanglants flux et reflux de ses guerriers, s’éloignât de Rechignac pour porter le désastre autre part.
    — Eh bien, nous attendrons ! dit-il. Et quand nous aurons découvert leur dessein, nous aviserons de ce qu’il nous faut faire pour en reculer, voire en résilier l’échéance !
    Libéré de sa vanité et de sa grognerie natives, il s’abandonna soudain à l’espoir :
    — Bressolles nous reviendra peut-être avant qu’ils aient terminé cette entreprise.
    Il fit face à Blanquefort partagé entre l’espérance et l’incertitude.
    — Eh oui, j’espère en lui ! Un moment j’ai craint qu’il n’ait été tué au sortir de mes murs… Mais non : il est vivant ! S’il l’avait pris, Canole aurait été trop fier de nous montrer son corps.
    Ogier se demanda vers quel château galopait le maçon – si, par bonheur, il avait pu se procurer un cheval.
    — Les femmes, dit Jean, espèrent en son retour. Mathilde m’a dit que toutes sont quiètes – ou presque – sauf une…
    — Qui ? demanda Blanquefort.
    — La Pâquerette, dit Guillaume, devançant Jean. Elle prédit à celles qui l’entourent, quand le Canole entrera, des violences qu’elles peuvent imaginer toutes seules… Tu la connais, Ogier : elle est du hameau et mère d’une pucelle, Clotilde… Une petite rousse, ma foi pas mal faite.
    — J’ai dû la croiser cinq ou six fois.
    — Il faut mettre cette Pâquerette hors d’état de nuire.
    Guillaume, de la tête, approuva Blanquefort.
    — Je compte l’assagir ou la faire enfermer. Pour le moment, je me tais : Bernard, son homme, va mourir : un carreau dont le fer est resté dans son corps.
    Thierry Champartel s’approcha, souriant :
    — Les gars qui creusaient la tour sont partis cette nuit… Enfin, les survivants…
    — Foi de Guillaume, ils devaient être peu nombreux à la dernière chaudronnée… Allons-y !
    Tous suivirent le forgeron. Ils scrutèrent les abords de la contrescarpe. Après s’être assurés de leur vacuité, ils se penchèrent au crénelage.
    En bas, parmi les morts des jours précédents, la tortue semblait avoir éclaté : quatre écus seulement demeuraient liés ensemble ; les autres, et les bois de soutènement, éparpillés, scintillaient au soleil. Un bras tordu, dont la main n’était plus qu’un moignon, sortait d’un bouclier ; deux corps aux chairs noirâtres gisaient, cassés sur un madrier.
    — Les fuyards eux-mêmes doivent avoir leur peau en fort mauvais état, commenta Guillaume… Saucés comme

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