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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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le fruit… J’ai appelé Girard et quelques autres. Ils ont jeté des rochers et des boulets sur les défenses de ces malandrins… Ça n’a pas donné grand-chose… Cinq chaudronnées d’eau bouillante en sont venues à bout… Je te garantis qu’ils ont hurlé… Demain, on verra s’ils ont déguerpi… Où étais-tu ?
    — Dans ma chambre, puis aux écuries où Marchegai, les destriers et les roncins commencent à saboter ; puis au donjon. Tancrède m’y a rejoint. Nous avons donné de l’air à nos faucons.
    — Ah ! bon sang de fille…
    Ce grognement, Ogier se demanda s’il était admiratif ou irrité.
    Le vieux guerrier quitta sa cervelière afin de rafraîchir son front et ses pensées. Il considéra Titus, éleva un doigt vers le rapace, mais s’abstint de le toucher où que ce fût.
    — J’ai peut-être eu tort de conseiller aux Tolédans de mettre leurs armes et leurs armures à l’armerie… Elle a été tentée… Elle retiendra la leçon… Pas vrai ?
    Ogier hocha la tête. Cette fille aux ardeurs sourdes, inégales, ne retiendrait rien. Comme une eau, la peur avait déjà glissé, séché sur elle.
    — Il n’est nullement nécessaire que tu veilles… Tu ferais mieux d’aller prendre un peu de repos. Bientôt, il te faudra toutes tes forces. Ce soir, nul bruit, nul mouvement. Rien ne nous destourbe : Canole nous prépare un grand coup.
    — Soit, mon oncle… Titus s’impatiente. Je ne m’en suis pas soucié tous ces jours-ci, mais il est grand temps que je lui remette son chaperon [58] .
    — Ah ! si nous pouvions nous enchaperonner pour ne plus rien savoir du dehors…
    Ébahi par ce souhait, Ogier s’éloigna.
    Il croisa Blanquefort devant la chapelle. Ils échangèrent un regard serein, mais aucun mot ne leur vint aux lèvres. Comme un coin d’acier pénétrant à grands coups au cœur d’une souche irréductible en apparence, Tancrède s’enfonçait dans leur affection et la disloquait sans paraître en avoir conscience.
    « Une belle garce, en vérité ! »
    Fiévreux, inquiet, l’estomac serré sur un souper pris en hâte, le damoiseau siffla Saladin allongé contre la pierre de l’abreuvoir et, suivi par son chien, passa devant l’échansonnerie. Il lui sembla entendre des vagissements. Adelis vivait là presque en recluse.
    « Quelle poigne et quel coup de lame ! »
    Sans remords ni effarement, il s’aperçut que toute ribaude qu’elle eût été – et fût encore –, il l’admirait.
     
    *
     
    Saladin aboyait et grognait ; Titus s’agitait sur sa perche ; Ogier ouvrit les yeux et reconnut Jean du Taillis.
    — Messire ! Messire !… Debout, et hâtez-vous !
    Dépité d’avoir été surpris en plein sommeil alors que l’aube devait en être à son déclin, le damoiseau bondit et se félicita d’avoir dormi dans ses mailles.
    — Les Goddons ?
    — Qui voulez-vous que ce soit d’autre ?
    Si le trompeor portait toujours au cou, suspendu à une guige de cuir tressé, le cor inséparable de son office, il était ceint d’une épée.
    — D’où te vient ce don ou ce prêt ?
    — Blanquefort… Et il s’agit d’un don… Sans doute afin que j’oublie son courroux quand notre damoiselle s’est pâmée… Il m’a dit que si, malgré sa défense, elle revient de nouveau parmi nous lorsque ça chauffera, j’aurai pour seule tâche de la ramener au donjon, au besoin par la force, et que je répondrai de sa vie sur la mienne. Franchement, ça ne me dit rien, mais avoir enfin une lame à moi me comble d’aise.
    Ogier fut déçu. À de telles conditions, il eût refusé cette arme.
    Il plongea son visage dans l’eau de sa bassine et, se séchant :
    — Que se passe-t-il ?
    — Vous savez les grands pins qui relient le hameau à la route de Thiviers ?
    — Je connais. Continue, Jean, et baille-moi mon épée…
    — Ils les abattent et en équarissent les troncs. Ils en font autant des jeunes châtaigniers en lisière de la forêt. Ils les scient, les défeuillent et rassemblent les plus petits en fagots qu’ils commencent à monter et à empiler non loin de leur malevoisine. Le maître a fait quérir Blanquefort et Sicart de Lordat.
    Précédés par Saladin, ils rejoignirent Guillaume entre les tours portières. D’un mouvement du menton, le baron leur montra les routiers à l’ouvrage.
    — Ils sont au moins deux cents.
    Au loin, les prés redevenaient fourmilière. Les arbres tombaient : des murailles on entendait

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