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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prendre son essor, battit les ailes –, Ogier posa ses lèvres sur la tempe de Tancrède et remonta sa main sous son aisselle, pour mieux saisir son sein que l’étoffe couvrait à peine. Elle y consentit, et quoiqu’il eût compris qu’elle n’éprouvait rien, il ne lâcha pas sa prise.
    — Il faut que je te l’avoue, dit-il en baisant le lobe d’une oreille petite et fraîche tandis que Roland, éloigné lui aussi, manifestait sa volonté de vol.
    — M’avouer quoi ?
    Elle souriait. On eût dit qu’elle s’attendait à ce qu’il allait lui révéler.
    — Depuis ton retour de Lubersac, j’essaie de voir clair en moi à ton propos. J’ai grand désir de te mieux connaître… Plus profondément… Tu m’attires et me courrouces. Selon toi, nous ne sommes point parents. Mais quand même le serions-nous, tu ne cesserais de me faire envie… Je ne me soucie pas de commettre un inceste.
    — L’inceste, cousin, n’est ni mieux ni pire…
    Elle s’interrompit, et de nouveau il se sentit loin d’elle, refoulé. Pour se convaincre du contraire, il dégagea sa main. La passant par-dessus l’épaule de la jouvencelle, il la plongea aussitôt dans la brèche de l’encolure et saisit l’autre sein. Dur. La texture et la fraîcheur d’une pomme cueillie à la chute du jour. Ce geste abolissait presque tout. À quoi bon s’embarrasser de scrupules et de réticences : « Quand on prend si aisément une gorge, le corps tout entier ne résistera pas ! » Avec une autre sans doute… Attendre… Ne pas la hérisser… Un faux sommeil pesait parfois sur ses paupières ; elle souriait et ne bougeait pas. Mais appréciait-elle qu’il eût si franchement entrepris sa conquête ?… Forteresse, elle aussi, comme dans la chanson qu’il avait entendue avant celle d’Adelis ?… Non. Son esprit se fortifiait de cette évidence : Tancrède était bien moins farouche qu’elle ne le paraissait. D’ailleurs, avant que Didier ne s’en fût emparé, elle n’était plus vierge. Elle avait donc déjà capitulé… Comment ? Dans ou hors de ce couvent dont elle ne parlait jamais ?… Séduite par qui, et pour quelle raison ? La beauté ? L’intelligence ? La force ? Un alliage heureux de ces trois agréments ? Lui dirait-elle un jour le nom de ce bienchanceux ?
    — Tu le vois, beau cousin, ou plutôt tu saisis : je sais être docile.
    Cheveux flous aux souffles du vent, pommette saillante, lumineuse, elle semblait se rire d’une audace imprévue qui ne donnait à son cœur aucune secousse plus vive, plus agréable que celles qu’elle lui connaissait.
    — Je sais être entreprenante lorsque le désir m’envahit… Or, tu ne m’en donnes aucun… Je ne sens pas le tien s’épancher dans ma chair.
    — Me faut-il prendre une voix pointue, et te faire des agaçins… Dois-je m’efféminer pour que ton désir s’allume ?
    Elle rit, toussota et ne répondit pas.
    Devant eux, un nuage enveloppait la lune de ses charpies longues et légères. C’était une vesprée lourde d’inconnu, de menaces, d’indécision et, bien qu’Ogier se fut senti déprécié, un moment fertile en espérance : le sein qui palpitait sur sa paume lui prouvait que tout était possible. Le sang qu’il remuait démentait le vinaigre des mots.
    Après qu’il eut pinçoté le tétin dardé, il retira sa main de l’encolure pour reprendre cette fille trop passive encore par la taille. Dans sa hâte, il rapprocha son faucon de Roland, qui l’agressa aussitôt.
    — Tudieu, cousine ! Éloigne ce malandrin !
    Ce coup de bec aurait pu être mortel ou crever l’œil de Titus, si Ogier, alerté par le froissement d’ailes et le tintement des grillettes, n’avait écarté son poing : touché, mais à peine, le rapace ne perdit qu’une plume de sa houppette. Il piailla et, quittant le gant, atteignit Roland à la cuisse.
    — Holà !
    Heureux de cette hargne vindicative, mais furieux d’un tel incident, le damoiseau recula.
    — Bon sang !… Ces oiseaux se connaissent… Ils ont pendant des mois partagé la même perche. Ils ont mangé ensemble le même pât. Ils ont chassé, volé ensemble…
    — … et ils se haïssent, acheva Tancrède.
    Son timbre railleur, métallique, révélait fortuitement, sans la moindre ambiguïté, qu’elle avait prémédité cette défense. Elle ajouta plus froidement encore :
    — C’est toujours ainsi que finissent les couples.
    — Cesse donc !… Tu ne connais rien

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