Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
saisit l’arbalète armée que Blanquefort lui tendait, bornoya soigneusement mais ne put cette fois atteindre sa victime.
    — Eh bien, qu’il crève à petit feu !
    Et Jean éclata d’un rire sec, nerveux, presque incongru en l’occurrence.
    « Toi, songea Ogier, tu prends goût à ce jeu-là… Je ne sais trop pourquoi, mais je te préférais quand tu n’avais qu’à souffler dans ta corne ! »
    Knolles ne remplaçant pas les deux hommes, la baliste demeura comme abandonnée, flanquée d’un mort affalé sur un tas de pierres, et d’un mourant dont les bras seuls remuaient faiblement. Dans le ciel clair, la machine avait l’apparence d’un squelette monstrueux sur lequel sautillaient et voletaient des pies, des freux et des pigeons au sortir du fossé où ils se gavaient à outrance.
    — Mon oncle, s’écria Ogier tout à coup. Et si leur engin devait être un beffroi ?
    — Un beffroi ?… Mais comment le hisseraient-ils jusqu’à nous ?
    — Ils peuvent en assembler les éléments à proximité de nos parois. Ils ont procédé ainsi pour cette maudite perrière.
    — Ils abattent des pins… C’est un bois léger, dit Blanquefort. C’est peut-être un beffroi.
    — On verra… Viens au donjon, mon neveu : allons encourager nos navrés.
    Mathilde venait de remonter un drap sur une tête cireuse ; elle se signa, puis en frottant ses mains après son sarrau, elle rejoignit le baron et Ogier.
    — Quatre de moins. Je m’y attendais.
    — Qui ?
    — Hervis et Louis, des charpentiers sans famille. Joulet… J’ai renvoyé l’Huguette et tiens l’Anselme à l’œil… Et Bernard, le chaudronnier du hameau. Clotilde, sa pucelle, l’a veillé cette nuit…
    Clotilde s’approcha, robe noire et coiffe blanche. Ogier trouva le bleu de ses yeux sec et dur.
    — À quoi bon s’affliger, messires ? Il est sûrement en Paradis.
    Rousse, la peau blanche, elle penchait son front avec une humilité que le damoiseau soupçonna d’être feinte.
    — C’est dimanche, aurons-nous une messe ?
    — Dieu et Clergue attendront, décida Mathilde.
    Et, entraînant Ogier jusqu’à la cheminée :
    — Tout va bien. Notre Raoul a bu un peu de lait… Adelis le soigne comme une mère.
    Ogier quitta le donjon. Que faire ?… Rien, sinon rendre visite aux armuriers.
    Passant devant la chapelle, il vit Thierry et deux maçons en sortir, un seau à chaque main. «  Ils creusent encore… De la place, toujours ! » Arnaud Clergue, sur le seuil, paraissait évaluer la hauteur du monticule de terre dressé au centre de la cour.
    — Dieu te garde, mon fils, cria-t-il.
    Sans lui répondre autrement que d’un geste, Ogier poussa la porte de la forge.
    — Salut à vous, dit-il aux Tolédans.
    — Le bonjour, messire Argouges. Vous arrivez bien : nous avons achevé votre plastron et les pièces destinées à vos bras et vos cuisses… Voulez-vous les essayer ?
    — Avec plaisir, messire del Valle… Avec plaisir.
     
    *
     
    Si, dans l’esprit d’Ogier, un doute subsistait quant à la nature de l’engin préparé par les charpentiers de Robert Knolles, il fut dissipé ce dimanche même, 21 août, après le repas de midi, lorsqu’il entreprit seul une ronde.
    Calmels veillait à un merlon. C’était un quadragénaire bourru, au visage de dogue.
    — Rien ?
    — Détrompez-vous, messire… Voyez : ça vient !
    À la gauche de la perrière, quatre hommes roulaient péniblement un cylindre de bois qui leur arrivait aux épaules.
    Cherchant Jean du Taillis pour alerter son oncle, le damoiseau l’aperçut près du puits, conversant avec Clotilde.
    — Holà !… Va quérir vélocement le baron et les autres.
    Tenant son épée à la hanche, le trompeor se précipita au donjon. Clotilde se détacha du chêne auquel elle était adossée.
    « Par Dieu, elle me sourit !… Je l’ai délivrée d’un gêneur. »
    Sans plus se soucier de la jouvencelle, Ogier rejoignit Calmels. Ils regardèrent l’énorme roue au centre de laquelle ils auraient pu passer leur tête.
    — Un géant, ce sera un géant !
    — Hélas ! oui, messire, soupira le soudoyer.
    Le damoiseau trouva l’occasion propice :
    — J’aimerais, Calmels… que tu me parles de Gratot… Tu y es allé plusieurs fois avec le malheureux Benoît, Aspe et Raymond…
    Bien qu’il eût senti le trouble profond dans lequel il venait de plonger cet homme dur et discret, Ogier le vit remuer fermement la tête. Et sa voix fut

Weitere Kostenlose Bücher