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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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énormes. Presque simultanément, ils churent près du premier.
    — Non, s’écria Blanquefort en abaissant l’arbalète de Champartel. Laisse-les, Thierry, approcher… À quoi bon dilapider nos sagettes et nos carreaux.
    Tous alors regardèrent, furieux et résignés, les routiers enhardis jeter dans l’excavation des pierres, des rocs, des troncs d’arbres, les timons des chariots, des fagots, des galets, des branchages. Ogier crut voir bouger un homme entre deux morts. L’instant d’après, un rocher le broyait.
    — Quand les pièces de leur engin seront bien équarries, dit Sicart de Lordat, l’assemblage en sera aisé. Ils sont au moins trente charpentiers à l’ouvrage.
    Il était drapé dans une robe verdâtre, rapiécée. Il portait sa barbute de fer bosselé, clouté de cuivre. Il semblait toujours aussi serein. Ogier remarqua ses mains noires, comme poisseuses de suie. À quels travaux se livrait-il dans sa chambre, au premier étage du donjon ?
    — Hugues, dit Guillaume sans même se retourner, quel est, à ce jour, l’inventaire des hommes valides ?
    — Cent quarante.
    — Explique-leur que le plus dur arrive. Mais dis leur que nous n’avons épuisé ni nos forces ni notre astuce.
    Maniant fébrilement la hache, l’herminette et le maillet, les charpentiers anglo-gascons travaillaient avec une ardeur à laquelle le pendu de la malevoisine n’était pas étranger.
    — Girard ! cria Guillaume.
    — Messire ?
    — Choisis-moi cinq ou six bons archers.
    Bientôt, ils arrivèrent, hirsutes sous leur chapel de fer amati faute de soins. Et leurs mailles, leurs regards, leurs sourires étaient ternes. Il y avait là Norbert et Paul, les sergents, le vieux Rigaud, Matthieu et Bernier.
    — Holà, mes gars, leur dit Guillaume, accomplissez bien votre ouvrage et ce n’est pas encore ce coup-ci qu’ils nous auront.
    Aucun ne lui répondit, et il eût certes préféré une parole insolente à ce silence composé de fatigue et de doute. Prenant Girard par l’épaule, il lui désigna, derrière son rempart de fagots, l’assise où se dresserait le beffroi.
    — Que les meilleurs d’entre vous occisent ces charpentiers. Cette nuit, qu’ils tirent sur leurs feux, sur leurs ombres… Il faudra, Blanquefort, recenser nos ressources… Si nous risquions de manquer de sagettes et de carreaux, je demanderais aux armuriers de nous en préparer. D’ailleurs, tiens, voilà mon aînée ; les Castillans ne doivent pas être loin.
    Guillaume riait, sans sécheresse ni raillerie ; et si Claresme et Pedro s’aimaient, il semblait en avoir pris son parti, songeant sans doute : « Le temps que dure ce siège, ils se distraient, et ma fille oublie ses frayeurs. » Mais après ? se demanda Ogier.
    Tout bien considéré, il n’était pas certain que son oncle s’opposerait au mariage de Claresme avec un roturier tel que del Valle ; ni même, par conséquent, à ce qu’elle partît pour Tolède. La Castille n’était-elle pas l’alliée du royaume de France ?… Ensuite, son aînée l’intéressait peu. Il méprisait sa douceur trop onctueuse, sa religiosité, sa fragilité affleurant la langueur, ses émois assortis de pleurs et de sanglots. Elle contournait de loin les blessés sans les voir et quand l’un d’eux protestait contre la mort qui l’allait prendre, elle se bouchait les oreilles. Jamais, malgré les difficultés qu’on éprouvait pour atteindre l’autel, elle n’avait fréquenté aussi assidûment la chapelle. Elle en sortait aussi pâle qu’un suaire. Ses frissons, ses lividités à la moindre alarme devaient exaspérer Tancrède. Et conséquemment Blanquefort.
    Sur cette pensée, le garçon descendit dans la cour, siffla son chien et se rendit aux écuries. Marchegai les accueillit sans plaisir. Ses paupières aux longs cils battaient ; dessous, son œil d’onyx luisait, interrogatif et inquiet.
    — Je sais bien, mon bon, que cette immobilité t’est pénible et que tu dois envier Saladin… Mais je n’y peux rien.
    Ogier flatta l’encolure de l’animal et la trouva poussiéreuse.
    — Demain, je te panserai… Tu t’ennuies pire que Titus !
    Il décida de monter aux affenoirs pour verser quelques fourchées de fourrage dans le râtelier vide. À mi-hauteur de l’escalier, il entendit des murmures et même un chut signalant sa présence.
    — Viens, dit-il à son chien, retournons.
    Combien étaient-ils dans le foin ? Et qui ?… Un instant, il fut

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