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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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précisément, comme il y songeait encore, Tancrède apparut.
    — Tu es beau, cousin.
    Son compliment paraissait sincère. Elle sortait de la chapelle où elle avait pris, semblait-il, un bon bain de sérénité. Le soleil pétillait dans ses yeux verts, nacrait ses dents, accusait d’une ombre franche le pli sous la lèvre inférieure.
    — Clergue t’a permis d’entrer ainsi ! s’étonna-t-il en parcourant du regard les vêtements masculins.
    — Eh oui !… Que sais-tu de nouveau sur ce beffroi ?
    — Ils avancent dans leur ouvrage.
    Elle se tourna vers les tours portières de sorte que son regard échappa au damoiseau.
    — Ah ! partir… Partir !
    Cette répugnance à s’intégrer à la vie d’antan, Ogier l’avait soupçonnée d’instinct en apercevant son visage impassible tandis qu’avec son oncle, il se portait à sa rencontre, lors de son retour de Lubersac. Il avait attribué son soudain mésaise à la découverte d’un accoutrement quasi sacrilège ; or, les vêtements d’homme qu’elle s’était choisis constituaient les indices ou la divulgation d’une mélancolie qui, singulièrement, ne concernait en rien Rechignac et ceux dont elle s’était séparée, cinq ans plus tôt.
    — Quand je t’ai revue, cousine, j’ai compris que tu avais laissé ton cœur à Lubersac et que, comme ton départ, ton retour parmi nous te semblait une punition.
    — Tu ne manques pas d’entendement.
    Leur dialogue, livré au silence, venait de s’échouer comme une barque sur une rive inconnue. Il l’en dégagea tant bien que mal :
    — Sans les Anglais autour de toi, ne serais-tu pas heureuse en ces lieux ?
    — Certes, non.
    Réponse sèche, méprisante… Ah ! l’absurde idée que Guillaume avait eue de se priver de sa présence. Vivant ici constamment, elle serait devenue différente.
    — Partir ! dit-elle encore avant de s’éloigner. Mon Graal à moi, c’est l’espace.
    Il retrouva l’ombre fraîche de la Mathilde et gravit lentement l’escalier conduisant à sa chambre. Il était déçu sans raison formelle, pesant de toute sa substance : chair, esprit, et l’armure n’y était pour rien.
    Titus le considéra de son œil sévère. Saladin bondit hors du lit, flaira le métal, se frotta contre lui, leva la patte et se reprit. Poussant de son museau la porte entrebâillée, il disparut.
    Ogier jeta son haubert et son épée sur les peaux de loups, puis déboucla sa ceinture d’armes.
    — Confiance.
    Il eut envie de la dégainer puis y renonça : elle quitterait son fourreau pour la bataille. Pas avant.
    Son bassinet tomba auprès de l’épée tolédane.
    — Ah ! bon sang, s’exclama-t-il alors.
    Comment se dévêtir ? Il n’y parviendrait jamais !
    Des aiguillettes fixaient ses cuissots à sa ceinture de dessous. Des brides de cuir munies de boucles assemblaient les épaulières à sa cuirasse. Impossible de s’en débarrasser seul.
    — Merdaille !… Me voilà embrelicoqué comme un prisonnier redoutable !
    Oui, quelqu’un avait vêtu et dévêtu Tancrède. Mais lui, Argouges ? Qui s’en chargerait ? Il devait descendre et appeler Jean ou Thierry.
    Il allait atteindre le seuil de la tour quand un rat surgit devant lui. Il tressaillit et posa si maladroitement son pied sur un degré de pierre qu’il manqua le suivant, perdit l’équilibre et chut sur son séant.
    — Bon Dieu ! maugréa-t-il en se levant avec peine.
    Il vit alors quelqu’un sous l’arche de la porte. Une robe grise, des cheveux roux, ébouriffés : Clotilde.
    — Eh bien… qu’est-ce qui te prend à me regarder ainsi ?… Tu n’as jamais vu un gars choir… et déchoir quand une dame assiste à sa chute ?
    — Messire, ça a fait un tel bruit que, passant par là, je suis venue voir.
    « Tu ne passais pas, songea-t-il. Tu rôdais ! » Et, aussitôt, sans courtoisie :
    — Monte !
    En cinq ou six bonds souples, elle fut près de lui et accepta sans hésitation la dextre qu’il lui offrait :
    — Viens. J’ai besoin que tu m’aides… Tu vas me servir d’écuyer.
    — D’écuyer ?
    Elle semblait… désarçonnée ! Sa main était fraîche, nerveuse.
    — C’est à cause d’un rat, dit-il, j’ai sursauté.
    Elle rit. Il ne se retourna pas, bien qu’il eût aimé la pureté, la légèreté de ce rire. Il entra dans sa chambre :
    — N’aie pas peur… Sauras-tu me délivrer de tout ça ?
    Elle était plus grande qu’il ne l’avait supposé : le

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