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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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haut de sa coiffure atteignait ses lèvres. Une rosée de sueur perlait sous sa frange. La pénombre de la pièce ajoutait au reflet doré de ses cheveux des étincelles obscures, et le bleu de ses yeux s’y mouillait de lueurs noires.
    — Tu peux te moquer, dit-il. Imagine le preux Lancelot se cassant la goule dans l’escalier d’Artus après être allé, une nuit, rendre un brûlant hommage à Guenièvre.
    Elle rit encore, mais elle était livide et d’une immobilité toute d’apparence car, sous sa camisole, il voyait suffoquer sa poitrine.
    — Je te fais peur ?
    — Oh ! non.
    La voix, cependant, manquait de fermeté.
    — Il te faut m’ôter ce que j’ai sur le corps en commençant par le plastron et la dossière. Tu vois, sur chacune, il y a trois boucles.
    Clotilde acquiesça et s’attaqua au flanc gauche.
    — Cette courroie est bien tendue, messire. Soulevez un tantet votre coude pour la soulager.
    Il obéit. Il ne trouvait plus rien à dire. Il devinait les doigts tremblants, acharnés à extraire l’ardillon de son œillet. Parfois, Clotilde lui lançait un regard curieux, vif et pudique, puis elle reprenait sa tâche. Il voyait son bras nu, son aisselle dorée, et l’épaule charnue, ambrée, mouchetée de son. Belle chair toute neuve selon la Pâquerette.
    — Voilà, messire. Je crois que ça y est.
    Il sentit les défenses de fer couler le long de son buste. La jouvencelle en alentit la chute et – sans doute plus penchée qu’il ne le fallait – les posa sur le lit.
    — Ouf ! dit-il. Quel fardeau. Pour m’en accommoder, il faudra des semaines.
    — Nenni, messire. Vous êtes bel et fort.
    — Plutôt que de me louanger, ôte-moi ces brassards, ce haubergeon et dégage-moi de cette ceinture et de ces aiguillettes.
    Elle obéit. Elle paraissait à l’aise ; son souffle bref prouvait le contraire. Ogier, perplexe, l’imagina déshabillée. L’avers et le revers. Bien faite. Faite pour qui ? D’autres que lui pouvaient l’initier aux solas qu’elle voulait connaître.
    — Quel âge as-tu ?
    — Quinze.
    Était-ce vrai ? Elle était menacée, elle aussi ; et non, dans l’immédiat, par les routiers de Canole. C’était miracle qu’elle eût échappé au sort de Bertine.
    Il lui sourit, étonné d’éprouver à son égard cette espèce de compassion tendre, ce besoin d’amiableté. Elle sentait le fourrage, mais son odeur poivrait ce parfum champêtre, le rendait ardent, prenant. Toute proche, elle lui paraissait plus douce. Il s’aperçut que le frôlement de leurs peaux l’enflammait un peu.
    Quelques aiguillettes tombèrent.
    — Sais-tu que tu t’y prends bien ?… La belle épouse de chevalier que tu ferais !
    — Je suis de trop petite condition pour m’élever jusqu’à vous.
    — Maintenant, les jambes.
    Clotilde s’agenouilla et se mit à déboucler les brides qui assujettissaient les cuissots et les genouillères.
    — Que d’ardillons, messire !
    Ogier la tenait dans son ombre. Sous le flou des cheveux qu’une raie séparait, le foin avait laissé des poussières.
    — On s’y casserait les ongles…
    Elle le dévisageait sans la moindre inquiétude. La fleur tremblante de ses lèvres s’épanouit. Elle devenait confiante, sûre d’elle… Épaules douces. Dans le val ténébreux de la camisole, le renflement lilial des seins. Il n’aurait qu’un mouvement à ébaucher sitôt hors de sa coquille… Serait-ce un geste indigne ? Non : ce n’était pas lui qui souhaitait la prendre ; c’était elle qui voulait qu’il la prît. Avec la bénédiction de sa mère. Une épreuve de douceur parmi tant d’autres composées de haine et de sang.
    « Je ne suis lié à personne… Je suis libre !… Si Anne était demeurée en ces murs… »
    Ah ! certes, il n’eût ni agi ni pensé ainsi. Il n’eût connu ni la Margot, ni l’Aliénor, ni… Clotilde… La femme, source d’intensité quand tout le reste croupissait dans l’attente et l’angoisse ? Il avait plus besoin de compagnie que d’amour.
    — Prends ton temps.
    Quels feux, quelles ambitions dévoraient Clotilde ? Tandis que ses doigts s’affairaient autour de ses hanches – prenant certainement plaisir à les toucher – elle levait parfois sur lui des regards presque éplorés.
    — Pliez votre genou, messire.
    Une jambe de fer en moins. Il s’allégeait, et pourtant tout en lui restait pesant.
    — Aïe !
    Un cri d’enfant : surprise, rage, mal. La

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