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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Pâquerette, sans doute, lui avait fourni quelques leçons.
    Enfonçant son visage entre ses seins, il entrevit, sous l’ombre de la robe, le velouté du ventre, la blondeur de cette fleur laineuse, fiévreuse…
    — Laisse-moi les rênes… Tu penses qu’à présent, pour toi, ces solas sont essentiels… On va donc faire, puisque tu y tiens, un bout de chemin ensemble… Mais avant, je voudrais que tu saches que cet embrassement ne nous liera en rien. Ces choses-là sont nécessaires ; pas tant, cependant, que l’air, le soleil, le sommeil, l’eau, la nourriture. Du moins pour moi. Si je sors entier de ces murailles, j’aurai une rude tâche à accomplir. Pour cela, depuis cinq ans, mes muscles importent plus que mes sens… Je pourrais vivre des mois, des années peut-être, comme un moine ; mais chaque jour, j’ai besoin d’empoigner une épée, soit celle-ci, que les Castillans m’ont offerte et que j’ai baptisée Confiance, soit celle que tu vois au chevet de mon lit… Elle n’a pas de nom. Je n’ai point voulu la nommer Almire par respect pour celle de mon père.
    Clotilde, le front bas, écoutait sans entendre. Il répéta cette fois pour lui seul :
    — Mes muscles… Mes sens…
    Il était plus exigeant avec les premiers qu’avec les seconds, lesquels, à vrai dire, n’avaient jamais connu l’adversité… Non : il se mentait. Tancrède… Tancrède, obstacle infranchissable. Mais qu’allait-il y penser maintenant !
    Il poussa Clotilde sur le lit.
    — Attends.
    Il se mit nu. C’était la première fois depuis longtemps qu’il se dénudait en présence d’une fille… Longtemps ? Allons donc : tout juste un peu plus d’une semaine… Canole avait apporté avec lui le malheur et la stagnation…
    Clotilde gisait sur les poils de loup auprès des éléments de l’armure. Étrange spectacle que ce corps enrobé de gris parmi ces squames amoncelées et ces mailles brillantes.
    — Enlève ça.
    — Vous, messire.
    Clotilde fermait les yeux. Elle avait besoin de son obscurité. Il tremblait. Il se sentait guindé, solennel. Ne plus parler…
    Il repoussa les épées, se pencha, posa ses lèvres sur le front tendu, anxieux. Et plutôt que de la retrousser, il fit glisser la camisole sur une épaule, puis sur l’autre.
    Son cœur bondissait.
    À partir de cette bouche fervente et de ces seins drus, tout ne serait qu’une question de patience et d’itinéraires… Il avait tout son temps et se sentait en veine d’imagination.
    Les armes, les pièces de l’armure tombèrent : Clotilde les avait éloignées.
    Il sentit une paume fraîche sur sa joue. Un doigt suivit lentement les lèvres de la cicatrice.
    — Didier était un malandrin, messire. C’est pourquoi j’ai voulu demeurer au hameau… loin du fouet et du braquemart.
    Était-il nécessaire qu’elle parlât ? Et surtout d’un hutin tel que Saint-Rémy ?
    Ogier de ses doigts effleura des douceurs secrètes. D’autres lèvres, d’autres contours. Clotilde soupirait, attentive et béate, anxieuse et décidée.
    — As-tu confiance en moi ?
    Elle cilla des paupières et il s’aperçut que sa voix n’eût pas été différente s’il lui avait demandé : « As-tu faim ? »
    Allons, les mots, maintenant, seraient tous inutiles. Peut-être, plus tard, entendrait-il un cri, un second « Aïe », ou bien un gémissement. Ou rien.
    Rien, sous les mouvements de leurs corps accordés, que les frémissements d’un matelas de paille.
     
    *
     
    Clotilde évaporée, à la fois inassouvie et sevrée, Ogier dormit. Lorsqu’il se réveilla, la vesprée commençait, paisible comme toutes celles d’avant la venue de Knolles, mais sous un ciel livide et charbonneux. Contemplant la haute cour, puis levant les yeux vers le châtelet d’entrée et les courtines, le damoiseau ne vit que quelques hommes et femmes silencieux, aux allures lentes. Seuls les veautres de la meute aboyaient : ils flairaient infailliblement un orage. Tomberait-il du ciel ou naîtrait-il de la terre ? Saladin l’avait pressenti lui aussi : il grattait à la porte. Sitôt entré, il se jeta sur le lit.
    Ogier resta debout. Bien que nu, il lui semblait porter un pourpoint trop étroit pour sa poitrine où son cœur cognait dru : ses battements retentissaient, violents, de sa nuque jusqu’à l’extrémité de ses doigts.
    « Je suis las. »
    Clotilde n’y était pour rien. Chaque jour, quelques lambeaux d’une énergie minutieusement

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