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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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chevauchant à la tête de la mission d’enquête près du gué, il a aperçu, sur un champ de ton domaine, des cultivateurs, d’origine frisonne, qui, effrayés, s’enfuirent à son approche.
    — Le comte est un homme redouté… En outre, comme j’ignore encore tout des raisons et circonstances concernant ce meurtre de Wadalde, je ne sais pas ce que ces esclaves pouvaient craindre.
    — N’es-tu pas leur maître, cependant ? demanda le Saxon avec une lueur d’étonnement dans le regard.
    Frébald se leva et fit quelques pas dans la salle.
    — Comment savoir ce qui s’est passé ? dit-il. Évidemment, cent personnes, des plus humbles aux plus nobles, avaient des raisons de détester Wadalde…
    Il marqua un temps d’arrêt.
    — … Alors, comment exclure, reprit-il, qu’il ait poussé à bout des colons, des bergers, oui, même des esclaves ?… Je n’ai cessé d’y penser.
    — On nous a pourtant décrit ces Frisons comme des travailleurs calmes et, à leur façon, réfléchis, nota Erwin.
    — Assurément ! Mais que n’ont-ils pas enduré ! Brutalités, déprédations, saccages… et aussi des viols dont ont été victimes leurs femmes, leurs filles…
    — J’en ai été informé.
    — … Tu peux donc comprendre que je ne puisse jurer de rien, ni garantir aucune innocence… et que j’en sois soucieux.
    — Sais-tu que trois ou quatre de ces esclaves ont été appréhendés par la milice du comte et conduits à Auxerre pour interrogatoire ?
    — On vient de me l’apprendre.
    — Le souci que tu as exprimé ira-t-il jusqu’à te conduire à la salle de justice du comté pour assister à cet interrogatoire ?
    — J’y songe, répondit évasivement le seigneur des Nibelung.
    — Voilà une songerie qui me donne à songer, commenta Erwin avec un regard sévère pour Frébald.
    Il se leva pour signifier que l’entretien était terminé en ajoutant :
    — Puisque ton intendant a pris sous son bonnet des responsabilités aussi importantes, selon tes propres dires, je veux le voir ici même dans le plus bref délai !
     
    Les quatre esclaves frisons, dont la milice s’était emparée et qui avaient été conduits à la prison d’Auxerre, avaient été enfermés dans une cage aux épaisses cloisons de frêne, située à l’un des angles de la salle où étaient menés les interrogatoires et où, souvent, les suspects étaient soumis à la question.
    Le comte Ermenold avait décidé d’entendre d’abord des colons qui travaillaient sur des champs et des prés situés sur son domaine, non loin de l’Ouanne. Il avait pris place derrière une grande table aux extrémités de laquelle se tenaient, debout, deux gardes en armes. Le vicaire de Toucy siégeait à son côté. Un greffier s’était installé avec son écritoire un peu à l’écart. Doremus s’était assis discrètement sur un tabouret au fond de la salle. Le bourreau, colosse au torse nu, fouet en main, était adossé à une paroi, non loin de la cage où les Frisons étaient détenus.
    — Approche-toi, Clément, dit le comte à l’un de ses colons qui n’en menait pas large, et toi aussi Émile ! Allons, ne tremblez pas comme cela ! Vous ne risquez rien, voyons ! Je vais seulement vous demander de témoigner. Mais attention : je n’admettrai pas de « si », pas de « mais », ou autres dérobades !
    — Nous te sommes tout dévoués, seigneur… Mais ce gué… où, jadis… et puis ce meurtre… balbutia Clément.
    — Assez ! lança Ermenold. Ici, nous ne sommes pas au Gué du diable, mais dans cette salle, en sécurité. D’ailleurs, quant aux histoires qui courent sur ce gué… Passons ! Et venons à ce qui m’occupe… Regardez bien ceux-ci, oui ceux qui sont enfermés là ! Les reconnaissez-vous ?
    — Assurément, dit Émile. Ce sont des Frisons qui travaillent pour les Nibelung sur des champs, côté rive droite de l’Ouanne. Le plus âgé, celui qui a des cheveux blancs, s’appelle Van.
    — Donc, vous les connaissez, souligna le comte d’Auxerre. Maintenant, faites attention : hier, je dis bien hier, dans l’après-midi, se trouvaient-ils non loin du gué ? Réfléchissez comme vous le devez !
    — C’est-à-dire, bredouilla Émile, comme nous en étions, nous-mêmes, assez loin – on n’aime pas s’en approcher –, comment dire où ils étaient ?
    — Écoute-moi bien, crétin, lança Ermenold. Tout se sait dans les champs. Vous devez donc savoir s’ils

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