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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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là ! N’allons pas si vite en besogne ! Robert a-t-il sauvé sa vie en agissant de la sorte ? Cela n’a rien d’évident. Peut-être le meurtrier en question s’en est-il pris à Wadalde parce que c’est Wadalde qu’il voulait tuer et n’aurait-il pas agressé Robert !
    — Tu penses à la diatribe de Wadalde contre Frébald et Adelinde ?
    — Pourquoi pas ! Mais venons à un point important : Malier a-t-il su qui, de Robert ou de Wadalde, devait te représenter ?
    — Il n’avait pas à l’être.
    — Et, de ton côté, as-tu appris qui les Nibelung avaient désigné ?
    — Pas davantage.
    — Dans ces conditions, pourquoi pas Malier ?
    — Je ne le pense pas, répliqua Isembard. En revanche, Malier a forcément connu, lui, le nom de celui qui devait représenter les Nibelung, donc – cela ne fait aucun doute pour moi – le nom du meurtrier de Wadalde. Il ne l’a pas révélé parce que ses maîtres lui ont interdit de parler.
    — Et ce serait pour l’empêcher de divulguer son secret qu’on l’aurait tué ? s’écria le frère Antoine.
    — J’ai examiné et réexaminé les raisons possibles de l’assassinat de Malier et je n’ai pu aboutir à une autre conclusion… Oui, qui d’autre qu’un Nibelung ou un meurtrier stipendié… ?
    — Je veux croire, dit le moine à mi-voix, que tu as mesuré la gravité de tes accusations.
    — Ce meurtre de Malier, on ne s’est pas privé, déjà, de nous le mettre sur le dos, j’en suis sûr, alors que tout les désigne eux, pas nous.
    — Libre à toi de témoigner comme tu l’entends. Je rapporterai aux missi dominici tes propos le plus exactement possible. Rien n’en sera divulgué avant jugement.
    Après avoir pris congé du seigneur des Gérold, le frère Antoine, chevauchant sa robuste monture, s’éloigna de Luchy sans hâte, escorté solennellement par ses deux gardes en armes, en direction d’Auxerre. Quand il fut arrivé hors de vue, il saisit sa gourde suspendue à la selle, et s’accorda une voluptueuse gorgée de vin. Puis, ayant consulté cet oracle, il se plongea à nouveau dans ses réflexions.
     
    Doremus, à la différence de Timothée, pouvait aisément se faire passer pour un marchand ou un voyageur d’humble origine. Il lui suffisait pour cela de se vêtir d’une chemise et d’une culotte de tissu grossier, de chausser ses pieds de souliers de marche et de dissimuler sous une capuche sa calvitie qui aurait pu le faire reconnaître. Le fait qu’il maîtrisait les dialectes bourguignons et savait user d’un parler populaire lui facilitait la tâche évidemment.
    Dès le matin, l’ancien rebelle, ainsi déguisé, commença à parcourir les rues de la ville, à fréquenter ses boutiques et ses marchés, à faire des haltes dans les tavernes. Il pouvait, s’il le désirait, se tasser, se voûter, effacer toute expression de son visage, éteindre son regard et devenir un de ces personnages si ternes qu’on n’arrive pas à en conserver le moindre souvenir. Il pouvait aussi jouer celui qui a eu des malheurs, qui s’exprime d’une voix lasse avec de longs silences douloureux, l’esprit ailleurs. Dans l’un et l’autre cas il parlait peu pour écouter beaucoup. Mais il savait au besoin bavarder comme un colporteur, passer du coq à l’âne et parsemer son propos de plaisanteries dont il était le premier à rire aux éclats. Dans ce cas, il parlait beaucoup mais n’écoutait pas moins.
    Tendant l’oreille ou suscitant bavardages et commentaires, il ne lui fallut pas longtemps pour se rendre compte que des agitateurs à la solde d’Ermenold cherchaient à alarmer la population et faisaient flèche de tout bois à cette fin. Si certains, par superstition, attribuaient le meurtre de Wadalde au « diable du Gué », la plupart incriminaient les Nibelung et, pour celui de Malier, les Gérold. Pour autant, « ces Frisons de malheur » n’étaient pas hors de cause : à coup sûr, ils avaient prêté la main à ces assassinats… Et peut-être pire. Qu’attendait-on pour en finir avec « ces maudits esclaves » ? D’autre part, n’était-il pas évident que la rivalité des Nibelung et des Gérold, qui, déjà, venait de déboucher sur deux crimes atroces, risquait de dégénérer en affrontements plus étendus et plus graves encore, menaçant les personnes et les biens par tout le pays ?
    Quant à ces missi dominici, n’étaient-ils pas en train de montrer incompétence et

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