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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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qu’elle. D’autre part, elle a été élevée à Trèves par sa mère jusque vers sa seizième année.
    Rimbert marqua une nouvelle pause.
    — Oh ! comme il est pénible de devoir évoquer maintenant ce qu’il faut pourtant que tu saches… murmura-t-il.
    — Qu’il en soit selon ta conscience, dit doucement Erwin.
    — Oui, il le faut… Donc voici Adelinde à la cour royale, elle qui n’avait vécu auprès de sa mère que dans l’austérité et presque l’indigence. Son oncle, Nibelung, qui l’a appelée auprès de lui, est pris par mille tâches. Elle est jeune, elle est belle, elle est éblouissante. Elle séduit. Autour d’elle, c’est l’abondance, la puissance et la fête. Elle est livrée à elle-même, en proie aux tentations. Elle y succombe. Parmi tous ceux qui mènent une vie désordonnée, elle se distingue par son infatigable entrain, par sa hardiesse et même par son effronterie. Qui le croirait à voir ce qu’elle est devenue, aïeule digne, à l’autorité incontestée ? Souvent il m’est venu à l’esprit qu’elle a puisé dans les excès mêmes de son jeune âge la sagesse de ses années à venir.
    — Je suppose, cependant, que sur le moment elle fit scandale.
    — En effet, car elle laissait voir, avec naïveté en somme, ce que ses compagnons d’inconduite cachaient soigneusement.
    — On lui reprocha donc moins ce qu’elle faisait que la façon dont elle le montrait.
    — A coup sûr. En peu de temps la rumeur de ses frasques parvint aux oreilles de son oncle qui entra dans une colère épouvantable : le scandale risquait de rejaillir sur toute la famille des Nibelung. D’un jour à l’autre, c’en fut fini des joyeuses équipées, des folles soirées et des nuits passionnées. Pleurs et lamentations n’y purent rien. Un couvent accueillit Adelinde ; la prière et les macérations réglèrent sa nouvelle vie pendant quatre longues années… jusqu’à son mariage.
    Rimbert s’essuya le front.
    — Ce mariage… reprit-il en hochant la tête. Oh ! ce ne fut pas aisé. La période licencieuse avait été courte, la mémoire en fut longue. Des mois et même des années durant, les Nibelung cherchèrent un homme de bonne naissance qui voulût bien épouser celle dont la conduite avait alimenté les ragots les plus outranciers, car, bien entendu, on en rajoutait à plaisir.
    — Ce fut donc Frébald.
    — Ce fut lui ! Il était d’une bonne lignée, bonne mais modeste. Elle avait cependant de quoi l’armer. Il put entrer ainsi, dans la cavalerie, au service du roi Pépin. Très jeune, il s’y distingua par sa bravoure, si bien qu’on lui donna bientôt le commandement d’un peloton. Quand il atteignit sa vingtième année, le souverain, qui se l’était attaché, estima qu’il lui fallait prendre femme. Il ne pouvait prétendre, semblait-il, aux filles les plus nobles, mais Pépin, qui l’avait en haute estime, souhaitait faire de lui un vassal respecté. Nibelung parla-t-il d’Adelinde à son royal cousin ? Pépin s’ouvrit-il de ses préoccupations matrimoniales à son fidèle allié ? En tout cas, Frébald fut informé de l’occasion qui s’offrait à lui d’entrer par alliance dans une des familles les plus influentes du royaume. On ne lui cacha rien du passé tumultueux d’Adelinde. Pesa-t-il longtemps le pour et le contre ? Je ne sais. De toute façon, en la dixième année du règne de Pépin, les deux jeunes gens, âgés l’un et l’autre de vingt et un ans, se marièrent avec pour témoins le roi lui-même et les grands de la cour. On pouvait bien clabauder dans les tribunes, Frébald et Adelinde voyaient s’ouvrir devant eux un avenir prestigieux. La mariée, qu’on avait fait sortir de son couvent quinze jours seulement avant la cérémonie, était toute à son bonheur : celui qu’on lui avait imposé comme époux était jeune, avenant, attentionné, alors qu’elle s’attendait au pire des barbons. Il lui sembla que le faste même de son mariage effaçait toute souillure et faisait taire toutes les médisances. Elle était heureuse et elle était resplendissante. Cela ne leur facilita certes pas la tâche, car ils firent bien des jaloux. « Tant d’apparat, dit-on, et de si hauts patronages pour un cocu et une catin ! » Cela ne fut pas sans conséquences.
    Comme Rimbert donnait des signes de fatigue, Erwin lui suggéra d’observer une pause dans ses confidences, ce que son hôte accepta. Il en profita pour présenter

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