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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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reconnue par tous.
    Rimbert se redressa en grimaçant et reprit haleine :
    — Cependant, après en avoir recueilli de nombreux, j’ai pu me faire une idée sur les circonstances et péripéties de la bataille… Je commence par ce qui n’est pas contestable… Donc, les escadrons de Frébald et d’Alard, que le hasard avait réunis pour une fois en une même opération, patrouillaient à mi-pente de la vallée de la Creuse quand, au détour d’un méandre, apparut un détachement d’Aquitains moins nombreux que les Francs. Alard, dont le souci premier était de ne laisser à Frébald aucune occasion de briller, ordonna à ses hommes de charger, sans prendre la peine d’avertir celui-ci. A peine l’escadron d’Alard avait-il commencé à dévaler que, sur la rive d’en face, déboucha d’un bois une imposante flanc-garde ennemie. Alard évalua-t-il mal le danger ? Voulut-il ne pas avoir l’air de la craindre ? En tout cas, il continua de charger. Lorsqu’il arriva sur les Aquitains qui longeaient la Creuse, ceux-ci avaient déjà reçu le renfort de la flanc-garde que je t’ai dite. La bataille s’engagea à un contre quatre. Frébald n’avait pas tardé à comprendre dans quel piège Alard avait donné, tête baissée. Il est avéré – j’en ai eu cent preuves – qu’il ordonna aux siens de charger à leur tour pour dégager leurs camarades de l’étau des Aquitains… Cela est certain, oui, certain…
    Rimbert soupira.
    — Mais la suite, oh ! elle a donné prise à tant de controverses, de polémiques affreuses… Pour les uns, Alard avait mené l’assaut avec une telle impétuosité qu’il se trouva bientôt isolé des siens et environné d’ennemis. Les cavaliers qui cherchaient à le sauver tentèrent alors d’ouvrir jusqu’à lui, à coups de hache et de glaive, un chemin sanglant à travers la masse des Aquitains. Mais ceux-ci, qui sont également hommes de courage comme on sait, opposèrent une résistance acharnée. Quand, enfin, les renforts parvinrent jusqu’à Alard, celui-ci avait déjà été jeté à bas de sa monture et avait succombé, frappé de cent coups… Voilà donc ce que beaucoup ont rapporté concernant la mort de ce chef qui fut un méchant homme mais un vaillant combattant… Cependant il y en eut d’autres, peu nombreux en vérité, des amis d’Alard, pour soutenir que l’affaire s’était déroulée tout autrement. Frébald aurait tardé, volontairement, à contre-attaquer et, quand il s’y serait décidé, il aurait choisi de le faire en un point où les Aquitains étaient en nombre. De la sorte, ces derniers auraient eu le temps d’exterminer le petit groupe de ceux qui combattaient encore auprès de leur chef et, enfin, de tuer Alard. C’est ainsi que Frébald serait parvenu à se venger de l’homme qui l’avait tant de fois outragé et humilié. Certains ajoutent d’ailleurs qu’en dehors de sa garde rapprochée, ses propres cavaliers ne firent pas preuve d’un zèle intrépide pour sauver Alard car il avait suscité parmi eux trop de haine.
    — Qui croire ?
    — Oh ! je me garderai bien de formuler un jugement ! se récria Rimbert. Il me faut noter cependant que, parmi tous ceux qui participèrent à cet engagement, très peu accusèrent Frébald. Le roi, néanmoins, fit mener une enquête qui blanchit rapidement l’époux d’Adelinde.
    — Mais, si je te comprends bien, cette décision ne mit pas un terme à la polémique.
    — En effet. Les ennemis de Frébald prétendirent que l’arrêt avait été dicté par un roi ami des Nibelung. La controverse continua à distiller ses poisons. Elle les distille toujours, selon toute apparence…
    Erwin frotta ses longues mains l’une contre l’autre.
    — En somme, dit-il, pour les Gérold, Frébald est toujours le meurtrier de leur aïeul, mort avant d’avoir pu donner à sa race une abondante lignée. Les Nibelung, eux, n’ont pas cessé de se dire victime de calomnies.
    — Il est vrai, mon père.
    — Mais, dis-moi, beaucoup, en ce pays, sont-ils au courant de tout cela ?
    — Les familles se sont efforcées de ne pas crier leur hostilité sur les toits ; toute polémique ne pouvait que nuire aux uns comme aux autres.
    — Avec quels résultats ?
    — Sur le moment et pendant des années une telle affaire avait donné naissance à cent rumeurs, ragots, médisances, et alimenté les commérages. Puis l’intérêt s’était peu à peu émoussé, même si l’on

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