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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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savait que l’hostilité entre les deux lignées était demeuré vivace. Le feu couvait sous la cendre.
    — Je suppose que les méfaits qui ont perturbé la vie du comté depuis plusieurs mois et surtout les meurtres qui viennent d’être commis ont rallumé ce feu.
    — Il en est ainsi, seigneur. Cela explique peut-être l’émotion qui s’est emparée de la population et qui…
    — Oh ! quant à cette émotion-là, intervint Erwin, elle n’a rien eu de spontané !
    Le Saxon se caressa le menton, songeur.
    — Cependant, reprit-il, même si l’on admettait que cette tragédie de jadis a quelque rapport avec les crimes qui ont été perpétrés, ne resterait-il pas à trouver pour quelle raison nouvelle ce qui est resté sans conséquence majeure si longtemps a pu aujourd’hui produire des forfaits monstrueux ?
    — Il arrive que le temps, bien loin d’apaiser la haine, ne fasse que l’exacerber.
    — Sans doute, sans doute… Mais ne te vient-il pas à l’esprit quelque événement, quelque fait, même apparemment insignifiant, qui pourrait être mis en rapport avec cette flambée de violence ?
    Rimbert, tête penchée, réfléchit un long moment.
    — Non, seigneur, répondit-il, rien d’important… de significatif. Mais je vais te prier de m’excuser : l’effort que j’ai dû faire pour me remémorer ces événements si dramatiques, si douloureux…
    — Je comprends. Il arrive que la mémoire rappelle à la vie plus facilement ce qui s’est passé longtemps auparavant que des péripéties intervenues récemment. Puis avec la fatigue de cette épreuve que je t’ai imposée…
    — Crois bien que ce fut pour moi un honneur plus encore qu’un devoir.
    — Tu dois en être remercié. Cependant…
    Le Saxon jeta au vieillard un regard perçant.
    — … s’il te revenait quelque incident notable, quelque fait pouvant avoir de l’intérêt pour l’enquête que nous menons, tu ne manqueras pas de nous le faire savoir, naturellement. Et même, pour t’éviter d’avoir à effectuer jusqu’à Auxerre un déplacement pénible, je dépêcherai vers toi, avant longtemps, Doremus, assistant de notre mission, qui recueillera, par écrit ou oralement comme tu le voudras, tout complément de témoignage que tu souhaiterais nous faire parvenir. Il va sans dire que Doremus, comme Timothée d’ailleurs, se ferait arracher la langue plutôt que de confier un secret à un autre qu’à un missionnaire du souverain.
    L’abbé saxon prit congé de Rimbert, qui paraissait préoccupé, après l’avoir remercié une nouvelle fois pour ses révélations qui montraient toute l’affaire sur laquelle les missi enquêtaient « sous un jour entièrement nouveau ».
     
    Tandis qu’Erwin regagnait la résidence de la mission à Auxerre, Timothée, lui, se rendait directement à Chazelles où il devait rencontrer, vers la cinquième heure, Badfred, qu’il avait fait prévenir par une estafette et avec lequel il comptait commencer, sur place, des investigations concernant l’attentat qui l’avait visé.
    Le fils d’Isembard, exact au rendez-vous, lui parut un tout autre homme que celui qu’il avait rencontré auparavant et qui s’était montré hautain, voire arrogant. Était-ce la crainte qu’il avait ressentie lors de l’agression dont il avait failli être victime, était-ce la démonstration de force qui avait fait ressortir de quelle puissance impressionnante disposaient les missi dominici ? Il se dit prêt à fournir à leur assistant tout renseignement qu’il pourrait estimer utile. Il y mit même de la courtoisie.
    Sans attendre, ils partirent pour le bois tout proche, à l’est du village, et suivirent le chemin forestier que Badfred avait emprunté la veille. A partir des Ouches il entrait dans des halliers denses, impénétrables, si ce n’était que, de place en place, partaient des sentiers qui s’éloignaient vers la droite ou la gauche. Après qu’ils eurent chevauché ainsi sur un quart de lieue et traversé un ru, ils arrivèrent sur une portion droite de ce chemin qui s’élargissait un peu.
    — C’est ici, dit le fils d’Isembard.
    Les deux cavaliers mirent pied à terre. Le Grec entreprit d’examiner le sol ainsi que les fourrés qui enserraient la sente. A sa demande, Badfred lui indiqua l’endroit où il se trouvait au moment où on avait décoché deux traits sur lui, ainsi que la position probable de l’archer. Dans le prolongement de la trajectoire

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