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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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trouvaient en contre-haut d’une formation dont les cavaliers leur tournaient le dos ? Les Gérold se lancèrent à l’attaque, tandis que les Nibelung se mettaient en défense à la hâte.
    Alors sortit de la forêt, au grand galop, l’escadron lourd emmené par Childebrand, force formidable de guerriers casqués, bardés de cuir et de métal, brandissant leurs lourdes épées avec des clameurs féroces. Cependant, quelque impétueuse qu’eût été leur charge, ils ne parvinrent à l’espace qui s’étendait initialement entre les troupes des deux familles acharnées à leur perte et qu’ils voulaient maintenir séparées qu’au moment où celles-ci étaient déjà entrées en contact. Une bataille confuse s’engagea.
    Près de la maison, les quatre hommes qui, apparemment, voulaient les uns et les autres en forcer l’entrée et qui, pour des raisons incompréhensibles, en étaient venus aux mains, s’étaient retournés, alertés par le martèlement du galop et les cris des assaillants ; ils regardaient, médusés, le corps à corps qui venait de commencer. Timothée et Doremus, eux aussi fascinés un instant par cette charge spectaculaire, se reprirent rapidement. Ils se remirent en selle et se hâtèrent vers la retraite supposée d’Albéric et de Clotilde. Ils eurent alors la surprise d’apercevoir Frébald sortir d’un boqueteau et s’approcher d’eux en éperonnant sa monture pour leur lancer, avec un visage bouleversé par l’angoisse :
    — Il faut faire quelque chose, entendez-vous ! Il le faut !
    Robert, aidé par son valet, s’en était pris à nouveau à la porte de l’habitation, cette fois-ci en tentant de la défoncer à coups de hache, tout en criant :
    — Ouvrez-moi, ouvrez-moi ! Je suis Robert, oui, Robert ! Vous êtes en danger. Entendez-vous en danger ! Je suis venu vous sauver. Par tous les saints, ouvrez !
    Badfred et Mélior s’étaient approchés de lui, dague en main. Frébald, suivi de Doremus et de Timothée, se précipita vers eux. Ils sautèrent de cheval et dégainèrent pour les tenir en respect.
    — Imbéciles ! leur cria Badfred.
    Soudain la porte céda. Un masque d’épouvante sembla en un instant s’être posé sur le visage de Robert : un rictus déformait sa bouche et sa face, ses yeux exprimaient une haine bestiale. D’une voix suraiguë, il lança :
    — Enfin ! Ces deux enfants de catins, ce chien, cette chienne vont crever !
    Sous le regard de ceux qui avaient observé avec stupeur cet avatar diabolique, il s’élança vers l’intérieur du refuge en brandissant à deux mains son glaive, prêt à l’abattre.
    Au lieu d’un Albéric s’efforçant maladroitement, désespérément, de protéger Clotilde, il vit se dresser devant lui la haute stature du Saxon qui le maintint à distance en appuyant sur sa gorge la pointe de sa redoutable épée indienne tendue à bout de bras.
    — Un pas de plus et tu es un homme mort, articula Erwin sans élever la voix.
    Au même moment, sans qu’il pût réagir, Robert fut immobilisé par l’étau de deux bras puissants, ceux de Rémy le forestier qui se tenait à côté de la porte d’entrée et qui avait ceinturé l’agresseur dès son irruption. Incapable de se dégager, Robert fit entendre des grognements qui s’échappaient de sa bouche, couverte d’écume blanchâtre, tandis qu’il roulait des yeux déments. Il s’affaissa subitement et son glaive, qu’il avait lâché, tomba à ses pied.
    Dans la partie la plus reculée de la salle, Albéric et Clotilde, vigilants, dague en main, avaient observé la scène avec sang-froid. A peine la jeune fille avait-elle poussé un léger cri lorsque Robert avait surgi. Maintenant, ils s’étaient tournés l’un vers l’autre, confiants, un sourire de bonheur aux lèvres, lui, élancé, le port altier, un visage fermement modelé, des cheveux blond clair et des yeux d’un bleu intense, elle, une chevelure de jais qu’un ruban resserrait sur la nuque, des yeux émeraude et un corps dont la tenue masculine accentuait, plutôt qu’elle ne la dissimulait, la splendeur. L’abbé saxon, en remettant son épée dans son fourreau damasquiné, pensa que cela valait la peine d’avoir sauvegardé de telles créatures de Dieu.
    Frébald, Badfred et Mélior, que les deux assistants des missi avaient désarmés, ceux-ci mêmes et le comte Ermenold entrèrent alors dans le refuge tandis que Rémy achevait de ligoter Robert, toujours sans

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