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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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première fois, sans armes et sans gloire il est vrai, défilaient ensemble. Les morts avaient été dirigés l’un sur Luchy, l’autre sur Escamps, pour y être enterrés « chez eux ». Les blessés avaient été admis au valetudinarium de l’abbaye Saint-Germain, Robert avait été mis au secret. Albéric et Clotilde avaient gagné directement la résidence des missi dominici qui voulaient s’entretenir sans tarder avec eux.
    Childebrand et Erwin, aidés par leurs assistants, reprirent leur enquête le jour même. Elle fut menée rondement. A défaut de pouvoir compter sur des aveux de Robert qui, tantôt prostré, tantôt agité, ne tenait plus que des propos incohérents, elle s’appuya sur de nombreux témoignages qui parurent si convaincants qu’un procès put être organisé rapidement, concernant d’une part les assassinats de Wadalde et de Malier ainsi que l’attentat contre Badfred, d’autre part l’agression de Robert contre Albéric, Clotilde et l’abbé Erwin, missus dominicus.
    Le procès attira de tout le pays vers Auxerre une foule de curieux qui s’ajoutèrent à ceux de la ville, et auxquels se mêlèrent ceux qui profitaient à l’accoutumée de pareilles occasions, comme marchands, saltimbanques, prostituées, et aussi quelques tire-laine. Hermant, à plusieurs reprises, avait eu l’occasion d’observer la cohue qui se pressait aux abords d’une salle d’audience pour assister aux délibérations d’un tribunal présidé par ses maîtres. Aussi, le jour où ils allaient ouvrir les débats à Auxerre, mit-il en place un service d’ordre pour canaliser le flot de ceux qui voulaient forcer l’entrée du prétoire. Cette précaution n’empêcha pas des bousculades, des altercations et des empoignades. La salle fut bientôt remplie, dans le tumulte, et ceux qui étaient restés, bien malgré eux, à l’extérieur durent se contenter des informations circulant de bouche à oreille sur les faits saillants de l’audience.
    Quand le comte Childebrand, en grande tenue, et l’abbé Erwin, la mise et l’allure sévères, firent leur entrée dans la salle, précédés du porte-enseigne de la mission qu’encadraient deux gardes, glaive au clair, et suivis de scabins ( 15 ) portant les insignes de leur fonction, le silence s’imposa tout à coup. Les missi dominici gravirent les cinq marches d’une estrade basse sur laquelle avait été disposée une grande table et ils prirent place derrière elle. Les sept scabins s’installèrent de part et d’autre. Puis arrivèrent les trois assistants des missi qui se tinrent, debout, derrière leurs maîtres. Le comte Childebrand tira son épée du fourreau et la posa devant lui. Il se leva et déclara :
    — Au nom de l’empereur Charles le Juste, roi des Francs et des Lombards, nous, missionnaires du souverain, déclarons ouverte la cession du tribunal que nous avons constitué et qui va juger, sous notre autorité, et en vertu de notre compétence, les affaires qui vont être appelées. Que ne vienne à la bouche des témoins aucune parole menteuse, mais seulement la vérité, faute de quoi les peines les plus sévères sanctionneraient leur tromperie ! Que tous sachent que nous prononcerons en équité mais sans faiblesse !
    Le comte donna la parole à Dodon, qui servait de notaire ( 16 ), pour qu’il énumère les délits et les crimes soumis au jugement du tribunal. Puis, après une courte prière, le premier témoin fut appelé. Benoît, l’intendant des Gérold, vint se placer devant l’estrade.
    Impressionné, il évoqua, d’une voix hésitante, rapidement et sans entrer dans les détails, les différends opposant Gérold et Nibelung et mit l’accent sur le souci qui avait toujours été le sien d’apaiser les querelles. C’est pourquoi il avait pris l’initiative de rencontrer Malier, qui ne semblait pas moins désireux que lui d’y mettre fin. Non sans difficultés, une entrevue entre deux seigneurs, un pour chaque famille, put être organisée. Initialement, sur décision d’Isembard, les Gérold devaient y être représentés par son demi-frère, Robert.
    — Mais d’abord, intervint Childebrand, qui a choisi comme lieu de cette rencontre un endroit d’aussi mauvaise réputation que ce Gué du diable ?
    — Robert lui-même, précisa Benoît. Il argua que ce gué et les quelque cinquante pas de ce chemin commun qui débouche sur l’Ouanne constituaient un endroit neutre. Mais je crois qu’il fut aussi

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