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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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aussi pour une autre raison à laquelle je vais venir.
    Erwin se tourna vers Frébald.
    — Sans doute les ragots que je suis obligé de rappeler sont-ils indignes, sans doute t’ont-ils atteint douloureusement… Mais il le faut… Donc les calomniateurs ont affirmé que Malier était au courant de tout, en particulier de la présence de Théobald au Gué du diable, à peu près au moment du crime ; ils ont inventé que, toi-même et tes fils, vous avez voulu, par n’importe quel moyen, dissimuler ce fait, de peur que Théobald ne fût incriminé…
    Le seigneur des Nibelung était devenu pâle comme la mort.
    — Ils ont mis un comble à leur malignité, à leur perfidie, en affirmant que tu avais commandé l’assassinat de ton propre intendant pour lui sceller les lèvres.
    Tous les regards s’étaient tournés vers Frébald que son fils Bernard avait dû soutenir car il défaillait.
    Le Saxon, avec une voix qu’il s’efforçait de rendre calme, mais qui tremblait de fureur, jeta à Isembard en désignant Frébald :
    — Regarde, et que cette image ne quitte plus jamais ton esprit ! Regarde celui qui fut compagnon d’un roi, guerrier valeureux ! Regarde ce vassal, bien-aimé de notre souverain ! Regarde cet homme noble, atteint dans son honneur, c’est-à-dire dans sa vie ! Voici ce que peuvent Scélératesse et Calomnie ! Qui avait intérêt à infliger de telles blessures ? A qui a pu venir l’idée de tuer Malier de telle manière que la race des Nibelung en parût souillée à jamais ?
    Isembard, qui était demeuré sans réaction tandis que le missus assénait ses questions, sembla sortir d’un débat douloureux avec lui-même.
    — Ma race doit-elle l’être à présent ? dit-il en interrogeant Erwin du regard. Doit-elle l’être parce qu’un être ayant perdu son âme avant de perdre l’esprit a conçu et exécuté un plan dicté par une haine monstrueuse ? Une lignée tout entière peut-elle être salie par l’ignominie d’un bâtard dément ?
    — Non, certes ! répondit le Saxon sur un ton apaisant. Pourtant, tout à l’heure, quand je t’ai demandé si tu pouvais jurer qu’aucun des tiens n’avait assassiné Malier, tu m’as répondu « non ».
    — Robert, malgré tout, appartenait bien à ma maison, dit Isembard, accablé.
    Erwin regagna lentement sa place. Une suspension de séance fut décidée après ce face-à-face qui avait mis toute la salle en émoi. Quand l’audience reprit, l’assistance, encore bouleversée par l’événement qu’elle venait de vivre et qu’on continuait à commenter à voix basse, ne prêta qu’une attention distraite aux conclusions présentées par le comte Childebrand qui reconstitua la manière dont Robert avait procédé pour se renseigner sur les déplacements de Malier, pour le pister et, servi par une sinistre chance, pour découvrir le rendez-vous de Diges, surprendre l’intendant, le blesser mortellement et s’enfuir.
    L’attentat perpétré contre Badfred ne suscita pas non plus un grand intérêt. Il fut attribué, sans preuves évidentes d’ailleurs, à Robert, toujours selon la même logique : accabler les Nibelung. Tous attendaient maintenant avec impatience que soient évoqués l’aventure d’Albéric et Clotilde, sur laquelle les imaginations avaient tant brodé, le « miracle de la forêt » (ainsi qualifiait-on l’intervention merveilleuse d’Erwin) et la « bataille de Dilo ». Clotilde elle-même allait-elle témoigner ? Les missi dominici n’en avaient rien dit.
    Ils commencèrent par appeler Rémy le forestier, qui relata comment, dans la soirée, il avait accueilli les deux fugitifs exténués, comment il les avait hébergés, « dans l’honneur » précisa-t-il, et comment, tandis qu’ils prenaient du repos, il avait veillé sur eux. Puis il en vint à l’affrontement, décrivit l’arrivée inopinée de Robert, ses menaces, son assaut, l’apparition in extremis du missus dominicus, l’irruption du forcené et la parade foudroyante d’Erwin qui lui avait permis de maîtriser « le possédé ». Sans doute, estima-t-il, les puissances démoniaques qui l’avaient tenu sous leur coupe avaient-elles fui à cet instant, mises en échec par le glaive de l’abbé saxon, car Robert s’était effondré entre ses bras « comme si la force infernale qui l’avait animé s’était échappée de lui ».
    Un murmure de prières s’éleva de l’assistance à cette évocation.
    Rémy

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