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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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termina son témoignage sous les applaudissements, et Childebrand annonça que Clotilde elle-même allait se présenter devant le tribunal, ce qui provoqua des bousculades, car tous voulaient approcher de l’allée par laquelle elle devait traverser le prétoire. Son entrée provoqua un cri d’admiration. On s’attendait presque qu’elle vînt revêtue de la tenue masculine qu’elle avait coutume de porter pour ses chevauchées. Au lieu de cela on vit s’avancer, précédée par sa mère Hilderude, une jeune fille portant une tunique bleu pâle très simple, rehaussée, il est vrai, d’une riche ceinture ouvragée. Elle avait posé sur sa chevelure de jais un voile fin, vert amande, que retenait un bandeau brodé constellé de pierreries. Mais ce qui frappait d’abord, c’étaient ses étranges yeux émeraude qui éclairaient un visage au teint mat. Les hommes étaient sous le charme de sa grâce, de son port altier et de sa démarche souple, de sa beauté. Les femmes s’attendrissaient en voyant passer près d’elles cette fille de haute noblesse, héroïne d’une aventure faite de courage et de passion. Clotilde, elle, marchait, le regard au loin, avec aisance. Arrivée devant l’estrade, elle salua les missi dominici d’une légère inclinaison de la tête, sans prononcer une seule parole. Tenant les yeux baissés à présent, elle attendit calmement leurs questions.
    Childebrand, après lui avoir adressé, bien inutilement d’ailleurs – car elle ne montrait aucun signe de trouble –, des paroles rassurantes, lui demanda :
    — Peux-tu, Clotilde, fille d’Isembard et de Hilderude, ici présents, nous dire pour quelles raisons et dans quelles conditions tu as quitté Luchy en compagnie d’Albéric, fils de Théobald et de Gerberge, ici présents également, pour te réfugier dans une maison forestière située près de Dilo en pays d’Othe ?
    — Si je l’ai fait, seigneur, répondit-elle, ce n’est pas par caprice, encore moins pour accomplir des actes indignes de mon sang, mais pour échapper à un danger extrême et pressant.
    — Nous diras-tu lequel ?
    — Oui, quand je vous aurai confirmé que, comme il était de mon devoir, j’avais fait part à mon père de mon vœu le plus cher : recevoir le noble Albéric pour époux. Rien ne s’y opposait, ni l’honneur, ni le rang.
    — Rien, sauf…
    — Hélas ! rien sauf cette inimitié qui opposait deux familles, inimitié qui remontait à des temps très anciens sans doute, mais que renouvelaient sans cesse des différends, et même des affrontements.
    L’assistance écoutait avec passion, dans un silence que rien ne perturbait, les propos que tenait Clotilde d’une voix calme :
    — Comment mon oncle a-t-il appris ce que, seule, savait ma mère et que je n’avais confié qu’à mon père, je ne saurais le dire. Mais, dès lors, je dus subir des scènes de plus en plus violentes. Un jour, profitant d’une absence de ma mère, il fit irruption pour me dire qu’il s’opposerait par tous les moyens en son pouvoir à mon projet, « indigne et infâme » selon lui. Puis vinrent des menaces de mort prononcées contre Albéric, contre moi-même. Après le meurtre de Wadalde, puis celui de Malier, Robert devint comme fou. Je n’oserais pas prononcer devant ce tribunal les injures qu’il m’adressa, le sort abject qu’il me promit. Mais je dois confesser qu’à le voir ainsi hors de lui, hurlant et gesticulant comme un démon, je pris peur… pour moi… et aussi pour Albéric. Nous ne vîmes de salut que dans la fuite…
    — Ne pouvais-tu en parler à tes parents, les alerter ? Clotilde se tourna vers son père.
    — M’auraient-ils crue ? répondit-elle sans hésiter. Mon oncle s’était bien gardé d’exprimer sa rage devant eux. En leur présence, il était tout miel. N’auraient-ils pas pensé que j’étais le jouet d’une imagination trop vive, ou encore que j’avais inventé cette fable pour leur forcer la main, les obliger à donner leur consentement ?
    Elle regarda tour à tour le comte Childebrand et l’abbé Erwin.
    — Je ne pouvais oublier, seigneurs, dit-elle, que mon père était farouchement et obstinément opposé à mon projet.
    — Ne peut-on imaginer, intervint alors le Saxon, que votre fugue, quelles qu’en aient été les raisons, constituait quand même une façon de… – comment as-tu dit ? – de forcer la main de ceux qui ont sur toi tous les droits ?
    Avec un léger

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