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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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humiliation et quel déshonneur n’est-ce pas, ô seigneur, que de devoir répondre « oui » !
    Cette déclaration suscita dans la salle une telle émotion qu’il fut hors de question de poursuivre la séance dans l’immédiat. Le comte Childebrand décréta, un peu en avance, une suspension pour la collation de la mi-journée, estimant que la satisfaction des estomacs apaiserait les esprits.
    A la reprise, dans le calme en effet revenu, il annonça que les débats allaient maintenant porter sur le meurtre de Malier. Comme premier témoin s’avança vers le tribunal un garçon d’une douzaine d’années, conduit par son père, et qui regardait avec crainte l’appareil de la justice déployé devant lui, surtout la grande épée de Childebrand posée sur la table. Erwin descendit de l’estrade et s’approcha de l’enfant.
    — N’aie pas peur, Lucien, dit à celui-ci le Saxon. Tous ceux que tu vois ici sont tes amis, aussi les amis de ton père et de tous ceux de ton village. Réponds comme tu sais le faire…
    L’abbé adressa à Lucien un regard bienveillant.
    — Tu es un bon cavalier, souligna-t-il. Tout le monde le dit.
    — Pas si bon que ça, mon père, répondit l’enfant.
    — Allons, allons ! poursuivit Erwin avec un sourire. Ton père, Julien, l’affirme et je sais qu’il a raison. Te souviens-tu de ce jour où tu es allé porter un message à Auxerre à l’homme que tu vois là-bas, celui qui porte un collier de barbe ?
    — Oui, mon père. Je m’en souviens.
    — En cours de route, n’as-tu pas été arrêté par un cavalier ?
    — Si, un homme à cheval, à moins d’une demi-lieue de Diges. Il s’est placé près de moi et m’a demandé ce que je faisais. Je lui ai répondu que je n’avais pas de temps à perdre, vu que j’avais un message à porter.
    — A-t-il insisté pour savoir de qui et pour qui ? s’enquit Erwin.
    — Oui, mon père, répondit Lucien maintenant plein d’assurance. Mais, comme je me méfiais, au lieu de dire ci ou ça, j’ai piqué des deux. Il a fait mine de me suivre. Puis il s’est ravisé. Il a filé vers Diges.
    — On t’a montré un homme, captif dans une cellule. Était-ce celui qui t’avait arrêté ?
    — Oui ! C’était lui.
    — Merci, Lucien, dit l’abbé saxon. Tu as été très clair, tu nous as beaucoup aidés.
    Erwin remonta sur l’estrade et déclara d’une voix forte, face à l’auditoire :
    — C’était, c’est Robert !
    De nouvelles rumeurs que Childebrand dut faire taire accueillirent cette révélation.
    Déposant à son tour, Julien, le père de Lucien, renouvela les déclarations qu’il avait faites sur place au frère Antoine. Puis comparut un témoin de dernière heure qui vint indiquer qu’il avait aperçu Robert à Escamps à deux ou trois reprises et qu’il l’avait même vu, une fois, converser avec Malier, et cela postérieurement au meurtre de Wadalde.
    Après que l’affaire du « bai de la clairière » eut été brièvement évoquée, Isembard fut appelé de nouveau devant le tribunal. L’assistance redoubla d’attention quand l’abbé saxon, se levant à nouveau, descendit de l’estrade et se dirigea vers le seigneur des Gérold. Il resta devant lui un moment sans parler, regardant au loin. Puis, semblant l’apercevoir, il lui lança :
    — Sous serment, peux-tu jurer qu’aucun des tiens n’a attenté à la vie de l’intendant Malier ?
    Isembard serra les mâchoires.
    — Non ! répondit-il.
    Cette dénégation suscita dans le prétoire un silence stupéfait.
    — Et pourquoi ?
    N’obtenant aucune réponse, Erwin enchaîna calmement :
    — Peut-être puis-je t’aider. Beaucoup, ici, connaissaient Malier. Tous ceux que j’ai interrogés ont estimé invraisemblable qu’il ait pu surprendre et mettre à mort Wadalde. Ne m’as-tu pas dit toi-même que c’était impossible, qu’en admettant même qu’on eût voulu tirer vengeance de ce meurtre, jamais on ne s’en serait pris à cet intendant ?
    — C’est en effet ce que j’ai dit.
    — Alors, à qui la rumeur publique a-t-elle attribué l’assassinat de Malier ?
    — Des bruits infâmes, seigneur, qu’il ne convient pas de rapporter ici, répondit Isembard, mal à l’aise.
    — Comment, « qu’il ne convient pas de rapporter » ? s’indigna le Saxon. N’ont-ils pas alimenté tous les commérages ? Il convient au contraire d’en faire état pour en montrer l’absurdité et l’infamie, et

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