Le guérisseur et la mort
le ferait sortir de sa tanière.
Isaac s’arrêta au portail et appela Yusuf.
Quand les allées du marché furent pleines de monde et les rues bondées de ménagères, de marchands, de badauds, d’apprentis, de porteurs, de servantes et de commerçants désireux de s’arrêter un instant pour boire ou se restaurer, Yusuf s’infiltra dans la foule et se mit à parler. Il débuta par le nord de la ville, hors les murs, puis il traversa l’Onyar pour rejoindre le quartier sud : déjà ses commérages le précédaient. Quand la quatrième personne lui eut raconté ce qu’il savait déjà, il ne transmit pas l’information et rentra directement au Call.
— C’est fait, seigneur, dit-il à Isaac. À l’heure du déjeuner, il n’y aura pas un chat ou un bébé qui ne sache ce qui se passe.
— C’est parfait, répondit le médecin. Tu peux maintenant t’en retourner à tes études.
La nouvelle de la fortune promise à l’un des prétendants au titre de fils du cousin de Mordecai se répandit en ville comme une traînée de poudre. Raimon, si tel était bien son nom, fut mis au courant dès qu’il eut franchi la porte nord et rencontré l’une de ses connaissances.
— Tu n’aimerais pas être à la place de ce Rubèn ? lui demanda le personnage en question.
— Pourquoi ? J’ai déjà assez de mal à être moi-même.
— Pour l’argent.
— Quel argent ?
— Une fortune, dit-on, une véritable fortune. Et tout lui a été légué par un oncle ou un grand-père, je ne sais. Mordecai la détient actuellement et doit la lui remettre dans une semaine, seulement il n’est pas certain de son identité.
— Où as-tu entendu dire ça ?
— Tout le monde est au courant. Ils vont juger ce garçon qui est arrivé en ville et qui s’est fait passer pour lui. C’est dans les dépositions. Je crois qu’un des gardes ou un des geôliers l’a raconté à sa femme.
— Je n’ai jamais entendu parler de lui, dit Raimon. De quoi l’accuse-t-on ?
— D’avoir tué des gens, ses patients, et ensuite d’avoir essayé de tuer Mordecai.
— Écoute, je dois porter des papiers pour mon maître. On pourrait se retrouver de l’autre côté de la rivière devant un pichet de vin, non ? Tu me raconteras tout ce qu’on dit en ville. J’ai tant de travail que je ne sors pas souvent. Dans la prairie d’ici une heure, d’accord ?
Ils se séparèrent et Raimon s’éloigna de la rivière, pensif.
Le sergent se présenta à l’évêque dès que Gabriel fut de retour avec les résultats de son enquête.
— J’ai fait demander dans les tavernes avec qui le clerc de maître Jaume passait son temps.
— Et qu’a-t-on appris ? dit sèchement Berenguer.
— Peu de choses. Il n’a jamais été en compagnie d’un dénommé Raimon ni de quelqu’un qui correspond aux descriptions qu’on nous en a faites, Votre Excellence.
— C’est malheureux.
— Mais on l’a vu une ou deux fois avec Lucà chez la mère Benedicta, près de la rivière. Et nulle part ailleurs.
— Cette taverne est peu éloignée de la maison de Romeu.
— Oui, Votre Excellence. Habituellement, on n’y remarque pas son voisin de beuverie. En tout cas, on n’en parle pas.
— Ce Raimon s’est-il jamais rendu à l’étude de maître Jaume ?
— Une fois seulement, selon le notaire. Il n’apprécie pas que son clerc ait des visiteurs, qu’il travaille ou se repose. Et il ne lui connaît pas de relation amicale avec le jeune Raimon.
Le lendemain matin, quatre membres de la garde épiscopale se présentèrent à nouveau à la maison de Romeu, le menuisier.
— Qu’est-ce qu’ils viennent faire aujourd’hui ? demanda la femme qui habitait de l’autre côté de la rue.
— Peut-être qu’ils cherchent quelqu’un d’autre, suggéra une voisine.
— Combien de gens croyez-vous que Romeu peut cacher dans une maison de cette taille ? Son atelier occupe pratiquement toute la superficie.
— Même son apprenti dort à l’étage avec la famille, dit une autre femme. Je n’aurais jamais accepté ça chez moi.
— Savez-vous ce qui se passe chez Romeu, maîtresse Rebecca ? demanda la femme qui habitait de l’autre côté de la rue.
Elle s’adressait à une charmante jeune femme sortie sur le pas de sa porte avec un enfant de quatre ans.
— Quatre membres de la garde sont entrés, ajouta-t-elle.
Chacune attendait une réponse de la part de la nouvelle venue car son
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