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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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nuit.
    — Et comment allez-vous expliquer à votre mère que vous passez tout votre temps dans le cabinet de son époux ?
    — C’est facile. Nous faisons le ménage pour la Pâque, répondit-elle. Je lui ai promis de m’occuper personnellement de cette pièce, et je vous assure que je vais la trouver dans un état épouvantable.
     
    Il fallut attendre le vendredi pour que Berenguer trouvât le temps de s’imprégner des détails du procès de Lucà.
    — Comment va l’enfant ? demanda-t-il à Isaac.
    — Bien mieux, Votre Excellence. Il lui arrive toujours de souffrir de la tête. Il a parfois l’esprit embrouillé et il est très affaibli, mais je suis enclin à penser que c’est là la conséquence d’une malnutrition de longue date. Son humeur s’améliore et je crois qu’il commence à en avoir assez de ce repos forcé.
    — Je le ferai venir. Cela lui changera les idées. Et nous entendrons ce qu’il a à nous dire.
     
    Regina prit en charge l’enfant, lui fit franchir la porte et demeura en retrait dans le corridor. On avait pour l’occasion fourni à Tomás une tunique et des sandales pratiquement neuves ainsi qu’une chemise propre trouvée dans un des innombrables coffres de la cathédrale et du palais épiscopal. Il regarda autour de lui avec crainte et curiosité, puis il ébaucha une révérence devant Bernat, qu’il avait pris pour l’évêque.
    Berenguer s’était placé près de la fenêtre pour observer son entrée. Il s’approcha de lui et posa une main sur son épaule pour le conduire vers la chaise placée près de sa table de travail.
    — Asseyons-nous, veux-tu ? Tu t’appelles Tomás, c’est cela ? Je suis monseigneur Berenguer, l’évêque. La personne que tu as saluée en entrant est le père Bernat : il notera ce que tu dis parce que sa mémoire déficiente risquerait de lui faire oublier des choses importantes. Maître Isaac est ici présent pour s’assurer que nous ne te fatiguons pas trop.
    — Oui, messire, dit Tomás.
    Le scribe de Bernat était assis de l’autre côté de la table. Il s’approcha de l’enfant pour lui murmurer quelques mots à l’oreille.
    — Oui, Votre Excellence, répéta Tomás.
    — Tu deviens un parfait gentilhomme, dit Berenguer. C’est excellent. Bien. Tu as dit au médecin que l’homme qui t’a poussé…
    — Il m’a frappé, Votre Excellence ! s’indigna Tomás. Là, au bras. J’ai encore un bleu, ajouta-t-il en relevant la manche de sa tunique.
    — C’est intéressant. Je crois que tu as dit que l’homme qui t’a frappé sous le pont te rappelait ta mère. Parlait-il comme une femme ?
    — Pas exactement. Pas comme les femmes d’ici, en tout cas. Pas comme Regina ou Raquel, ou la femme du boulanger qui m’a donné plusieurs fois du pain.
    — Dans ce cas, pourquoi cette voix t’a-t-elle fait penser à ta mère ? Parle-moi d’elle.
    — La plupart du temps, elle est gentille, hésita-t-il. Elle me chante des chansons qu’elle a apprises dans les îles, ça parle de la mer, des marins et des tempêtes. C’est des chansons tristes, mais elles sont jolies. Quand je posais la tête sur sa poitrine, je sentais sa voix en elle. Mais ça, c’est quand j’étais plus jeune, ajouta-t-il comme pour repousser une faiblesse enfantine.
    — Elle avait donc la voix grave. Ce n’était pas une voix aiguë, comme celle des enfants qui chantent à l’église.
    — Non.
    — Tu dis que la plupart du temps, elle est gentille, intervint Isaac. Pas tout le temps, donc ?
    — Non. Elle se met en colère, surtout quand elle a bu trop de vin, alors elle crie des choses horribles, comme les hommes sur les bateaux quand ils se battent. C’était les mêmes mots qu’il me criait et sa voix ressemblait à la sienne, sauf que c’était pas la même personne… Je ne comprends pas, dit-il d’une voix sourde. C’est trop dur. En tout cas, il m’a fait penser à elle quand elle est comme ça et j’ai eu très peur, comme les jours où elle brandissait son couteau devant moi, même qu’elle faisait pareil avec les hommes…
    Les larmes lui vinrent aux yeux.
    — … elle disait qu’elle ne leur faisait pas vraiment mal, c’était juste pour les prévenir.
    — De quoi parle-t-il ? demanda Berenguer d’une voix discrète.
    — De choses qui n’ont certainement pas de rapport avec ce que nous désirons savoir, lui répondit le médecin sur le même ton. Sa mère devait vivre parmi les brutes.
    Il se

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