Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
Vom Netzwerk:
désolé, plus que je ne saurais le dire, de causer tant de gêne à mes parents de Gérone, mais j’avais le réel désir de vous rencontrer, ne fût-ce qu’une fois.
    Le jeune homme s’inclina devant chacun.
    — Pardonnez-moi, je vous en prie. Je vais me retirer. Et si quelqu’un m’interroge sur ma visite au Call, je lui répondrai que c’était pour affaires et qu’elles sont réglées.
    — Un tel soir, alors que nos voisins viennent partager notre joie, intervint Judith, je ne puis vous laisser partir sans une coupe de vin et quelque chose à manger.
    — Merci, maîtresse, dit le jeune homme.
    Jacinta remplit une assiette et la déposa devant Lucà.
    — Merci, mon enfant.
    Il lui sourit. Jacinta lui lança un regard audacieux malgré ses paupières baissées, puis elle alla vaquer à ses occupations.
     
    Lundi 23 mars 1355
     
    La naissance d’un enfant était un moment essentiel pour la maison d’Isaac, mais le reste du Call consacra bientôt toute son attention à un problème d’un poids autrement décisif. Le début du printemps n’était pas un pur synonyme de fête pour la communauté juive. De tous les événements suscités par le renouveau de la nature, celui qui nécessitait les préparatifs les plus intenses était, étrangement peut-être, une fête chrétienne. Pâques approchait, et la communauté tout entière devait se serrer les coudes pour se protéger.
    — Les dispositions pour la Semaine sainte ont-elles été prises ? demanda l’évêque quand Isaac eut fini de manipuler son genou douloureux et de le masser à l’aide d’onguents de sa préparation. Avec la ville, évidemment, ajouta-t-il avec délicatesse.
    Les accords entre la ville et le Call ne se déroulaient pas toujours aussi bien que ceux passés entre le Call et le diocèse, mais selon la coutume, c’était en ville que la communauté juive engageait des gardes chargés de la défendre contre d’éventuelles émeutes.
    — Je crois qu’il y a eu des réunions hier et aujourd’hui, Votre Excellence. Je saurai ce soir ce qui a été décidé.
    — Je suis certain que mon genou requerra de nouveaux traitements demain. Si vous pouviez revenir avant vêpres, je serais très intéressé par votre récit de ces réunions.
    — Dans ce cas je reviendrai demain, Votre Excellence, dit Isaac en se relevant.
    — Pourriez-vous m’accorder encore un instant, maître Isaac ?
    — Certainement, Votre Excellence. Votre goutte menace-t-elle de se réveiller ?
    — Non, maître Isaac, je ne souffre ni de la goutte ni de quoi que ce soit en cet instant, mais je voudrais vous poser quelques questions à propos d’une certaine personne. Je pense que vous pouvez y répondre.
    — Si je le puis, Votre Excellence, croyez que je m’en ferai un devoir.
    — Que savez-vous de ce jeune homme qui se prétend herboriste ?
    — Lucà ? Je crois, pour être précis, qu’il se veut herboriste. Je n’ai jamais entendu dire qu’il se faisait appeler apothicaire ou médecin.
    — C’est intéressant. C’est donc un jeune homme très prudent.
    — Je doute qu’il détienne une licence lui permettant d’exercer la médecine ou d’ouvrir une échoppe – une qui fût valide en cette ville, en tout cas.
    — C’est ce que l’on m’a demandé. Ou plutôt, c’est l’une des choses que l’on m’a demandées. Que savez-vous de lui ?
    — Il loge chez Romeu le menuisier.
    — Tout le monde le sait, lâcha Berenguer.
    — Pardonnez-moi, Votre Excellence, mais j’ignore quasiment tout de lui.
    — Eh bien, moi, je sais des choses. C’est un jeune homme qui aime à parler, mon ami, et, depuis son arrivée, il déclare, ou indique, qu’il vient de Gênes, si ce n’est d’Alghero ou de Majorque.
    — Il nous a dit qu’il était né à Séville, Votre Excellence. Mais sa voix m’indiquait qu’il était de Majorque. Quant à Alghero ou Gênes, je ne puis rien dire. A-t-il la permission de s’installer ici et de soigner les gens ?
    — Il a en effet quelque chose, une sorte de parchemin tout déchiré signé de la main du secrétaire du procurateur de Sa Majesté, don Vidal de Blanes. Quand on l’a interrogé sur sa condition physique, il a répondu qu’il avait été blessé en tombant dans la mer.
    — Dans la mer ?
    — Le problème, Isaac, c’est qu’il semble raconter une histoire différente à chaque personne croisée sur son chemin. Cela vaudrait mieux pour lui s’il parlait

Weitere Kostenlose Bücher