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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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moins.
    — Si j’apprends la moindre chose susceptible de vous intéresser, Votre Excellence, je vous le ferai savoir aussitôt.
     
    — Isaac, mon ami, dit Mordecai, j’espère que personne ne vous a appelé en ma maison. Car j’ai l’impression de me porter plutôt bien.
    — Ne vous inquiétez pas, maître Mordecai, vous m’avez l’air en excellente santé. Non, c’est moi qui suis venu vous demander un service.
    — Vous n’êtes certainement pas dans le besoin, mais si tel est le cas, sachez que mes coffres vous sont ouverts.
    — Nullement. En dépit de tout ce que vous avez pu entendre, dit Isaac en riant, la prospérité ne m’a pas abandonné, que le Seigneur en soit remercié.
    — Le Seigneur, mais aussi votre dur labeur et vos talents exceptionnels. Mais puisque ce n’est pas d’argent que vous avez besoin, en quoi puis-je vous être utile ?
    — Je suis curieux, pour certaines raisons, de savoir ce que vous pouvez me dire de ce jeune homme qui prétend être le fils de votre cousine.
    — Le jeune maître Lucà ?
    — Exactement.
    — J’aimerais vous révéler toutes sortes de choses à son sujet. Je lui ai parlé à plusieurs reprises afin de tenter de découvrir son secret. Interrogé sur son passé, il hésite et se contredit, ce qui n’est pas très encourageant. Mais si vous m’accordez un instant pour rassembler mes souvenirs, ajouta-t-il, je vous révélerai ce que je sais.
    — Prenez tout votre temps, je vous en prie.
    Mordecai ouvrit un coffret de cuir posé sur son bureau et en sortit une feuille de papier.
    — J’ai ici des notes prises après chaque conversation, dit-il. D’abord, il prétend être né à Séville, d’une mère et d’un père sévillans. Ce serait exact s’il était le fils de Faneta. Mais je m’étonne qu’il parle peu la langue de Séville ; en revanche, il parle la nôtre comme s’il était d’ici. Pas de Gérone, Isaac, mais des îles. Il explique ceci par le fait qu’il a grandi auprès de sa grand-mère, une Majorquine.
    — C’est intéressant…
    — Sa grand-mère lui a permis de devenir herboriste, raconte-t-il. Son maître l’a emmené à Gênes puis à Alghero où il a développé ses connaissances. Quand l’herboriste est mort, il est revenu à Majorque, et sa grand-mère lui a suggéré de venir ici exercer sa profession.
    — La mère de votre cousine Faneta était originaire de Majorque, n’est-ce pas ?
    — Perla ? Oui.
    Mordecai hésita avant de reprendre.
    — L’oncle Ezra est mort peu après que Faneta fut envoyée à Séville pour s’y marier et, dans les jours suivant l’enterrement, Perla est revenue à Majorque.
    — Pourquoi tant de hâte ? Il me semble… Elle n’aurait pas eu le temps de régler ses affaires, dit Isaac baissant volontairement le ton.
    — Je me suis occupé de tout cela et j’ai subvenu à ses besoins immédiats.
    — Je n’en doute pas, mon ami, vous avez toujours été le meilleur des hommes.
    — Ah, j’aimerais croire que la bonté fut ce qui me motiva. Mais il est vrai que j’aurais entrepris n’importe quoi pour elle, je puis vous l’assurer. Quand l’oncle Ezra fit d’elle sa troisième épouse, il avait la quarantaine et elle, dix-sept ans seulement. Une créature vive et joyeuse, Isaac ! Moi, j’avais onze ans et je n’avais jamais vu de femme aussi belle. Je tombai amoureux d’elle et je souffris en silence, évidemment… surtout par peur du ridicule.
    — Je me souviens d’elle, Mordecai, c’était en effet une très belle femme.
    — Quand vous êtes arrivé ici, Isaac, l’oncle Ezra lui avait fait perdre sa joie et sa vivacité. On eût dit un animal sauvage enfermé dans une cage. Ses yeux trahissaient son désespoir et ils me hantaient.
    — Ezra ben Rubèn était un homme droit et honnête, si ma mémoire est bonne.
    — Oui, Isaac, mais il était aussi froid et désagréable, contrairement à mon père, son propre frère. Elle n’avait qu’une satisfaction dans l’existence, et c’était sa fille. Mais quand Faneta eut quinze ans, il maria la pauvre enfant à un homme, son aîné de vingt-cinq ans, qui, pour ne rien arranger, vivait dans la ville la plus éloignée qu’il pût trouver.
    — Délibérément ?
    — Je l’ai cru à l’époque, Isaac, car il lui aurait sans peine trouvé un excellent parti ici même. C’était une jeune fille douce et jolie à la dot confortable. Bien des familles espéraient faire d’elle

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