Le guérisseur et la mort
être âgée de plus de quatre ans et l’examinait avec beaucoup de sérieux. Ils se trouvaient dans ce qui devait être la pièce principale de la maison. En plus de l’âtre, il y avait un lit, une table et une chaise ainsi qu’un coffre. Divers instruments y étaient posés.
— Pourquoi tu es assis comme ça ? demanda la fillette.
— Parce qu’on m’a attaché les mains dans le dos. Pourrais-tu… mais comment t’appelles-tu ?
— Guda.
— Benvolguda ?
Elle acquiesça.
— C’est un joli nom, Benvolguda. Je suppose que tu ne sais pas dénouer une corde.
Elle ne répondit rien et se contenta de le regarder de ses immenses yeux bruns.
— Mais si tu pouvais me trouver un couteau, je la couperais et c’est eux qui seraient pris à leur propre farce.
— C’en est pas une.
— Guda, Guda, où es-tu ? cria une femme à la voix aiguë. Je t’ai déjà dit de ne pas aller dans la cuisine.
— Non, maman, je vais dans la cour.
— Fais attention, hein ?
La petite fille traversa la cuisine, prit un objet sur le coffre et le cacha derrière son dos.
— C’était l’ami de ma maman, il lui a dit de te surveiller mais elle l’a pas fait, comme ça je suis là.
— Merci, dit Daniel. Qu’est-ce que tu tiens ?
— Un couteau, répondit-elle en exhibant une lame presque aussi grande qu’elle.
— Tu peux le poser par terre, juste à côté de moi ?
Avec quelque difficulté, elle le plaça sur le sol dans la position adéquate. Daniel le coinça pour maintenir la lame en position verticale et le tint dans sa main gauche tandis que sa main droite faisait courir la corde sur le tranchant.
— Maman vient voir ce que je fais, dit Benvolguda. Si tu viens avec moi dans la cour, je te dirai où est le passage secret pour aller à la mer. Dépêche-toi.
— Une minute.
Daniel ramassa les cordes et le tissu qu’il dissimula sous sa tunique. Puis il remit le long couteau en place sur le coffre. Plongeant la main dans sa bourse dont il se croyait pourtant délesté, il donna une petite pièce à l’enfant.
— Cache-la bien. Bon, où est ton passage secret ?
Il passait par un trou dans le mur quand il entendit une femme hurler.
— Comment je pourrais savoir où il est ? J’ai jamais posé les yeux sur lui !
— Et ta gamine ? demanda une voix virile.
— Ne sois pas ridicule, lança une autre. Qu’est-ce qu’elle pourrait faire ?
— Elle a des yeux, dit la femme. Guda, tu as vu un homme passer par là ?
— Oui, maman, hier j’ai vu papa qui passait par là.
— Que vous est-il arrivé ? demanda Maimó que l’étonnement privait de courtoisie. Vous êtes couvert de suie.
— Je crains d’avoir passé une matinée mémorable après vous avoir quitté, maître Maimó.
— J’avais l’intention de vous présenter à des personnes qui vous auraient été utiles, mais je vais plutôt vous emmener vous laver et vous changer. Une fois au calme, vous pourrez alors me raconter votre histoire.
Une heure plus tard, devant une coupe de vin annonciatrice du déjeuner, Daniel, propre et vêtu d’une tunique impeccable, achevait le récit de ses mésaventures.
— Qui étaient ces hommes ? lui demanda Maimó. En avez-vous une idée ?
— Je n’ai vu que des ombres et j’ignore totalement leur identité. La femme vivait dans la maison à l’endroit où la rue fait un coude. Ils ne m’ont pas blessé et ne m’ont rien dérobé.
— Pardonnez-moi un instant, dit Maimó en se levant, j’ai des ordres à donner pour le déjeuner.
Il s’inclina courtoisement et se dirigea vers l’arrière de la maison.
Daniel éprouvait un véritable soulagement de pouvoir réfléchir aux péripéties du matin sans avoir à satisfaire la curiosité de son hôte. Curieusement, celui-ci semblait fâché de ce qu’il lui était arrivé, mais en rien surpris. Peut-être ce genre d’agression était-il monnaie courante à Majorque.
Maimó revint dans la cour.
— Et vous avez été sauvé par une enfant de quatre ans ! dit-il en riant. Mais vous vous en êtes sorti et j’en suis fort heureux, croyez-moi. Vous avez certainement des marques.
— Quelques contusions, çà et là, répondit Daniel. À l’épaule mais surtout au genou et au ventre. En dehors de ça, je n’ai rien. Ce qui me préoccupe, maître Maimó, c’est de savoir pourquoi une telle chose s’est produite. Pour quelle raison ces deux hommes voulaient-ils me nuire ?
— Ils
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