Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
Vom Netzwerk:
tissaient des alliances inattendues et de redoutables vengeances. Bonne joueuse d’eschets, elle avait même eu l’honneur d’affronter l’émir des émirs conquis par la femme capable de tenir jusqu’à la phase de stratégie. Pour plaire au roi, il fallait plaire à Théodora et la belle Byzantine savait se lier avec les fityan comme avec les barons, s’attirant des visiteurs qui venaient autant pour la beauté de son corps que pour jouir de l’influence qu’elle avait sur le roi normand.
    Cette nuit-là, il faisait si chaud que la jeune femme avait repoussé les draps de soie dans lesquels elle aimait s’envelopper. Ses longues jambes brunes reposaient sur le tissu, seule une ceinture de soie et de perles la parait, nouée autour de sa taille fine. C’est dans un demi-sommeil qu’elle sentit une main se poser sur ses lèvres, étouffant son hurlement de terreur.
    — C’est moi ! fit une voix à son oreille.
    Au son de cette voix, Théodora renonça à se battre. Serait-il possible qu’il soit revenu ? Retenant son souffle, elle ouvrit les yeux, essayant de discerner le visage de son agresseur.
    Comprenant qu’elle ne crierait pas, celui-ci avait relâché son étreinte. Théodora s’enveloppa de son drap et ranima la petite flamme de sa lampe à huile. Le spectre prit forme. Il était effrayant.
    — N’aie crainte. C’est moi... fit-il en s’agenouillant.
    — Gamaliel...
    Elle avait murmuré son nom. Mais comment reconnaître dans cet être décharné, couvert de vermine et barbu, l’amant magnifique et sensuel qui lui avait fait aimer l’amour ? Théodora s’approcha de lui, cherchant de ses doigts le contour du visage aimé. Il y avait des mois, des siècles...
    — Ils m’ont jeté en prison pour trahison, souffla Gamaliel. Je n’ai pu te prévenir.
    — Jeté en prison...
    Pour la centième fois depuis leur séparation forcée, Théodora revécut l’annonce, par l’un des eunuques, de la disparition de son amant. Grâce à ses relations, elle avait su qu’on avait fait prisonniers sa femme et son fils, puis qu’on les avait vendus sur le marché aux esclaves. Mais de lui, pas de nouvelles, et elle avait pensé qu’il s’était enfui en l’abandonnant. Trahison était le seul mot qui lui était venu. Elle l’avait maudit et pas une seule fois – il était si fort, si invincible ! -elle n’avait songé qu’il aurait pu lui arriver malheur.
    On entendait des voix au loin. Gamaliel s’était redressé et regardait autour de lui avec angoisse. Les pensées de Théodora s’ordonnèrent à nouveau.
    — Comment es-tu parvenu jusqu’ici ?
    — Je me suis évadé en passant par les qanats... J’ai croisé une femme dans les couloirs.
    — Comment était-elle ?
    — Je ne sais... Brune... Je n’ai pas eu le temps, je ne pensais qu’à te rejoindre. On doit avoir découvert ma fuite.
    Il fallait le cacher. Et vite. Avant que la garde ne fasse irruption.
    — Viens ! Suis-moi.
    Théodora attrapa la gandoura qui gisait en tas près de sa couche et une bourse qu’elle glissa à sa ceinture puis, lui tendant la main, elle l’entraîna par un étroit corridor jusqu’à une réserve où s’empilaient des provisions.
    — Que fais-tu ?
    — Silence !
    Après avoir refermé la porte à clé, elle repoussa les cylindres de canne tressée où d’ordinaire on entreposait le grain et la farine, fit pivoter une étagère chargée de paniers, écarta une tenture imitant à s’y méprendre l’aspect misérable du mur, découvrant un boyau au bout duquel elle ouvrit une porte basse. Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent dans une pièce munie d’un soupirail.
    L’endroit ressemblait au nid d’un oiseau exotique. Les murs et les sols étaient recouverts de tentures et de tapis aux couleurs chatoyantes. Un grand lit avec des coussins, une bassine de cuivre pour les ablutions, des poufs, un plateau d’argent posé sur un coffre, un miroir d’étain, des bijoux dans une coupe... et une odeur de fleur d’oranger et de rose.
    — Où... Où sommes-nous ?
    Épuisé, il vacillait sur ses jambes et la tête lui tournait.
    — Dans la chambre des amours interdites. Peu de gens en connaissent l’existence et je suis la seule à en posséder les clés. Quand quelques-unes de mes sœurs veulent recevoir ici leurs amants de cœur, je leur ouvre le paradis.
    L’évadé n’en pouvait plus de fatigue, il poussa un sourd gémissement et glissa à terre,

Weitere Kostenlose Bücher