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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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que Marsico s’était marié un mois auparavant avec une riche veuve calabraise.
    « Je ne sais pas, chez vous en Normandie, avait dit leur hôte, mais ici, les barons et les seigneurs normands ont souvent recours au charme des harems et de leurs houris... Une femme de plus... Surtout si elle est jolie... »
    Depuis, Hugues ne dormait guère ni ne mangeait davantage, il cherchait Eleonor. Mais malgré tous ses efforts, un mois avait passé sans qu’il réussisse à retrouver sa trace. Son seul espoir était qu’on l’ait menée à Palerme où le comte possédait son plus luxueux palais.
    — Hugues... appela Tancrède d’une voix inquiète. Hugues, ça va ?
    En guise de réponse, l’Oriental hocha la tête.
    Le jeune homme n’était pas dupe. Il connaissait trop son maître pour ne pas savoir ce qui le souciait. Il n’insista pas, incapable de faire face à la fois au malaise d’Hugues et au désordre de ses propres pensées.
    Un berger passa non loin d’eux avec ses moutons. Après les avoir observés avec méfiance, il les salua d’un geste de sa longue canne puis poussa ses bêtes vers une prairie qu’ombrageaient quelques arbres au feuillage gris-bleu.
    — Tout paraît si paisible, murmura le jeune homme.
    Son maître le regarda comme s’il découvrait sa présence à ses côtés, puis son expression changea et il reprit d’une voix plus ferme :
    — Nous allons repartir, mais avant, il faut que ces lieux et leur géographie vous deviennent familiers. Votre vie en dépendra peut-être un jour. Regardez autour de vous. Là-bas le fleuve, Wadi Abbas pour les Arabes, est devenu pour nous le fleuve de l’Amiral. Les deux rivières qui dévalent vers Palerme sont la Kemonia, le « torrent des orages », sur votre droite et là-bas, sur votre gauche, le Papireto ou « torrent de la Rutah ». Dans les jardins sont cultivés des citronniers, des orangers, des dattiers. Dans les marécages ou le long du fleuve poussent les roseaux, les concombres, les papyrus et les cannes persanes.
    — Cannes persanes ? releva Tancrède qui n’avait jamais entendu prononcer ce nom.
    — C’est ainsi que l’on appelle une variété de roseau. Elle sert à fabriquer ce que les Arabes nomment sukkar , le sucre, cela remplace le miel. Là-bas...
    Il montrait une montagne à l’ouest de la ville dont les contreforts plongeaient dans la mer.
    — ... c’est le mont Pellegrino.
    — Et ces immenses forêts cernées de remparts comme une forteresse ?
    Tout était si neuf et si beau que Tancrède sentit son intérêt prendre le dessus sur ses soucis.
    — C’est le Parco Nuovo, le parc de chasse des rois normands. La muraille a été édifiée par Roger II. Il y a là-dedans tout le gibier dont peut rêver un chasseur : des cerfs, des sangliers, des chevreuils... On y trouve aussi des sollazzi , des pavillons de détente agrémentés de bassins et de viviers emplis de poissons. Une vision du Jannat al-‘ard.
    — Le Paradis... murmura Tancrède à qui son maître avait, en plus du latin, du grec et de l’hébreu, enseigné l’arabe.
    — Du moins ainsi que l’imaginent les rois normands de Sicile. Voyez cette tache blanche, là-bas à l’est de Palerme, c’est le palais de la Favara avec son lac et son île aux palmiers jumeaux. Un endroit magnifique qui appartenait jadis à l’émir kalbide Ja’far. Roger II l’a agrandi et restauré. Il aimait s’y retirer avec ses familiers...
    À nouveau un silence. Pour la première fois depuis bien des années, Hugues repensait à sa vie d’avant, à son palais au cœur de Palerme et, bien qu’il s’en défende... à Judith. Il avait réussi à l’oublier jusque-là, ou du moins à l’enfouir si profondément en lui que c’en était presque de l’oubli, mais maintenant elle revenait à la surface de sa conscience et, avec elle, le sentiment de culpabilité qui l’habitait jadis. Des images anciennes resurgissaient. Pas son visage dont les traits s’étaient effacés avec les années, plutôt l’impression qu’elle laissait, un mélange d’élégance et de sauvagerie, d’innocence et de perversité. Judith. Elle était aussi différente d’Eleonor qu’un démon l’est d’un ange.
    Tancrède, qui s’était tourné vers son maître, essaya en vain d’imaginer quelles étaient les pensées qui rendaient son regard si dur.
    — En avant ! fit Hugues en encourageant sa monture à descendre la sente qui menait vers la vallée.
    Tancrède

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